The Disarmed President

<--

Le président désarmé

Samedi dernier, à la suite d’une fusillade dans une clinique de planification familiale du Colorado qui a fait trois morts et neuf blessés, le président des États-Unis d’Amérique, Barack Obama, a déclaré: «Ça suffit. Nous devons faire quelque chose à propos de la facilité d’accès aux armes de guerre dans nos rues. Ce n’est pas normal, il ne faut pas que cela devienne normal.»

Ça suffit certain. Quatre jours plus tard, à San Bernardino en Californie, une fusillade encore plus sanglante tuait 14 personnes et en blessait 21 autres. Le président des États-Unis d’Amérique a déclaré: «Nous allons devoir nous interroger, en tant que société, afin de prendre les mesures qui rendraient non pas impossible, mais plus difficile l’accès aux armes.» Wow! Ça, c’est de l’affirmation! Nous allons devoir nous interroger. Ouuuuuuh! Les marchands d’armes doivent trembler de peur. Nous allons devoir nous interroger. J’espère ben! Cette année, aux États, il y a eu 355 fusillades en 336 jours! Il est vraiment temps de s’interroger. Peut-être même qu’on devrait agir. Quoique ça, c’est plus difficile. On l’a déjà essayé.

Il y a trois ans, en décembre 2012, à Newtown, au Connecticut, 26 personnes sont mortes lors d’une tuerie, dont 20 enfants, âgés de 5 à 10 ans. Vous en souvenez-vous? Je l’espère. Le président des États-Unis, Barack Obama, avait déclaré, les larmes aux yeux: «Nous ne pouvons plus tolérer cela, et pour mettre un terme à ces tragédies, nous devons changer.» Il avait même proposé une réforme rejetée par les élus du Congrès. Rien n’a changé.

Depuis, lors de chacune des grosses tueries du mois, le président des États-Unis d’Amérique apparaît, l’air piteux, et déclare: «Faudrait ben faire quelque chose» ou «Faudrait peut-être penser à faire de quoi» ou «C’est assez!» ou «C’est encore assez!».

Parfois, il ose mentionner qu’il faudrait réfléchir à essayer de trouver une façon de réglementer un petit peu l’accès aux armes. Et que font les Américains? Ils s’achètent des fusils. La Presse titrait, vendredi à la une, que nos voisins s’arment à un rythme d’enfer. Lors du Vendredi fou seulement, deux armes étaient achetées toutes les secondes. Ça fait des beaux cadeaux de Noël.

Si le président des États-Unis d’Amérique est l’être le plus puissant de la planète, c’est un impuissant dans son pays. On ne doute pas de sa sincérité. Barack Obama voudrait vraiment que l’accès aux armes soit moins facile. C’est juste qu’il n’est pas capable de le rendre moins facile.

Pendant qu’Obama déclarait qu’il fallait faire de quoi, le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, déclarait que le pire serait de faire quelque chose trop vite. Quel taouin! Le pire, ce n’est pas ça. Le pire, ce sont les 14 morts de mercredi, et les 3 de la semaine d’avant, et les 8 du mois prochain, et les 12 du mois d’ensuite. C’est ça, le pire. Le pire, c’est tout de suite.

Mais les républicains sont contre tout contrôle des armes. Alors ils s’opposent à toute mesure. La vérité est au bout du fusil, disait Mao. Les républicains disent la même chose. Les républicains sont des maoïstes.

Comment comptent-ils réduire le nombre de tueries? En priant. Le problème, c’est que ce n’est pas la faute de God, c’est la faute de Gun. Le New York Daily News a titré, jeudi dernier: «14 Dead in California Mass Shooting, God Isn’t Fixing This». Dieu n’est pas en train d’arranger ça. Alors, les élus républicains, entendez le bon sens et faites de quoi. Mais ils gardent le silence. Le lobby des armes à feu a payé les campagnes électorales de la plupart d’entre eux. Je ne sais pas si Renaud Lachance y verrait un lien avec leur silence, mais moi oui.

Les marchands d’armes sont plus puissants que le président des États-Unis. Ce n’est pas un scoop. C’est un fait. Dans pas long, ce sera le retour du Far-West. Chaque Américain portera une arme. Prêt à se défendre. Quand un terroriste, un fou ou Lee Van Cleef essaiera de tirer dans le tas, tous les Clint Eastwood sortiront leurs armes. Ça va peut-être sauver des vies ou faire plus de victimes. Une chose est sûre, si chaque citoyen a un fusil, en plus de son cellulaire, on risque de voir de macabres selfies. Ted avec le cadavre du camionneur qui l’a dépassé. Sue avec le cadavre de la coiffeuse qui lui a raté ses cheveux. Joe avec le cadavre de l’arbitre qui ne lui a pas accordé son touché.

Il faut qu’Obama arrête d’être une pleureuse. Il faut que la classe politique américaine agisse. De tuerie en tuerie, ses déclarations deviennent de l’ironie. Même lui n’a plus l’air de se croire. Philippe Couillard a plus de pouvoir que le président américain pour empêcher sa société de se procurer des armes comme on se procure de l’eau.

Il ne faut pas que ça devienne normal, disait Obama, samedi dernier. La semaine lui a prouvé que c’est devenu normal. Trop normal.

Ne pas agir trop vite, dit le président républicain de la Chambre des représentants. Après tout, ça va bien. L’industrie des armes n’a jamais fait d’aussi bonnes affaires. Celles des salons mortuaires ne se portent pas mal non plus. Le croque-mort prend les mesures de tout le monde, comme dans Lucky Luke.

Quand l’industrie va, tout va.

Gun bless America.

About this publication