United States: End of the Road for the Spoiled Drunk Driver

<--

Placé sous contrôle judiciaire après un accident mortel en 2013, Ethan Couch, dit «Affluenza Teen» a été arrêté lundi au Mexique. La légèreté de ses sanctions relance le débat sur les discriminations outre-Atlantique.

Il s’était teint cheveux et barbe en noir, dans une tentative maladroite de passer inaperçu. Ethan Couch, adolescent pourri gâté coupable d’avoir tué quatre personnes au volant en 2013 et recherché aux Etats-Unis pour avoir violé son contrôle judiciaire, a finalement été arrêté lundi soir au Mexique, en compagnie de sa mère, Tonya. Entamée il y a quelques semaines, sa cavale a captivé l’Amérique, qui s’était déjà passionnée pour son procès au verdict controversé il y a deux ans.

Ivresse

Le 15 juin 2013, Ethan Couch, 16 ans, et plusieurs amis volent des bières dans un supermarché, puis les consomment dans une maison cossue où le jeune homme vit quasiment sans surveillance, à l’est de Dallas (Texas). Peu avant minuit, la bande monte à bord d’un pick-up appartenant au père de l’adolescent. Au volant, Ethan Couch fonce à plus de 110 km/h sur une route de campagne où la vitesse est limitée à 60 km/h. Il fauche quatre personnes arrêtées sur le bas-côté après une panne de voiture. Toutes sont tuées sur le coup. Assis à l’arrière du pick-up, deux passagers sont éjectés et grièvement blessés. L’un d’eux, atteint au cerveau, est aujourd’hui tétraplégique. Le jeune homme conduisait avec 2,4 grammes d’alcool dans le sang, trois fois la limite autorisée.

Le dramatique accident aurait pu rester cantonné à la rubrique faits divers. Mais la stratégie de défense de Couch fait les gros titres de la presse américaine. Un expert psychologue mandaté par sa riche famille assure en effet qu’Ethan souffre «d’affluenza», un néologisme formé de la contraction des mots anglais affluence («richesse») et influenza(«grippe»). A la barre, le praticien présente l’adolescent comme une victime de son enfance ultraprivilégiée qui aurait, selon lui, gommé la frontière entre le bien et le mal. Dans la famille Couch, ajoute-t-il, «on avait le sentiment que la richesse achète les privilèges et qu’il n’y a pas de lien rationnel entre les actes et leurs conséquences».

Jugé pour homicides en état d’ivresse, Ethan Couch encourt une lourde peine de prison. Le procureur requiert vingt ans de réclusion. Mais, à la surprise générale, la juge du tribunal pour mineurs le condamne à une obligation de soins psychiatriques et à une mise à l’épreuve de dix ans, avec interdiction de conduire et de consommer de l’alcool. Une clémence qui choque nombre d’Américains, d’autant que le jeune chauffard, surnommé «Affluenza Teen», n’a jamais exprimé de remords, ni passé la moindre nuit derrière les barreaux.

Début décembre, la controverse a rebondi avec l’apparition sur Twitter d’une vidéo d’Ethan participant à une soirée arrosée, en violation de son contrôle judiciaire. Craignant d’être arrêté, le jeune homme a pris la fuite avec l’aide de sa mère, ce qui ne surprend pas le shérif local : «Il n’y a aucune chance qu’elle pense un jour que son fils doit être puni ou tenu pour responsable.» Après plusieurs semaines de recherches, menées notamment par la police du Texas et le FBI, la paire a finalement été arrêtée lundi soir à Puerto Vallarta, station balnéaire réputée de la côte pacifique mexicaine. Une commande de pizza, passée depuis le téléphone d’un des fugitifs, a semble-t-il permis de les localiser. Arrêtés sans opposition, ils devaient être extradés vers le Texas. Accusée d’entrave à la justice, Tonya Couch encourt de deux à dix ans de prison. Son fils, en revanche, ne risque pas grand-chose : cent vingt jours de prison au maximum, à condition que son dossier soit transféré devant un tribunal pour adultes. Une audience est prévue le 19 janvier.

Clémence

Cette affaire illustre les discriminations qui rongent le système judiciaire et carcéral aux Etats-Unis. Beaucoup y voient la preuve de la persistance du white privilege, qui fait que les Blancs, en particulier lorsqu’ils sont jeunes et riches, bénéficient d’une plus grande clémence. «Le fait que la richesse de cet adolescent ait pu être considérée comme un désavantage est en contradiction totale avec le fait que cette richesse a toujours été pour lui un atout incroyable, soulignait l’analyste politique Boyce Watkins peu après le verdict, en 2013. Les enfants blancs souffrent “d’affluenza”, les enfants noirs vont en prison.» Les statistiques le prouvent : à crime équivalent, un jeune noir ou hispanique a plus de chances qu’un jeune blanc d’être jugé comme un adulte. Plus de chances aussi d’écoper d’une peine de prison plutôt que d’un contrôle judiciaire. Un an avant son verdict clément envers Couch, la juge Jean Boyd s’était ainsi montrée beaucoup plus sévère avec un adolescent noir de 14 ans. Ce dernier avait donné un coup de poing à un jeune qui s’était ensuite cogné la tête en tombant. La victime était décédée deux jours plus tard. L’accusé, lui, purge actuellement une peine de dix ans de prison ferme.

About this publication