Hier le Brexit, demain Trump?
Si Londres et Washington ne parviennent pas à comprendre la nécessité de protéger les populations des effets foudroyants de la globalisation, alors les courants populistes ont un boulevard devant eux.
Le 23 juin, le jour même où le peuple britannique votait à près de 52% en faveur du Brexit, la Cour suprême des Etats-Unis marquait un coup d’arrêt aux mesures réglementaires prises par le président Obama pour régulariser la situation de 5 millions de migrants clandestins, très majoritairement d’origine hispanique, à la condition d’être parent d’un enfant né sur le sol américain et de ne pas avoir de casier judiciaire.
En apparence très éloignés, les deux signaux du 23 juin trouvent une étonnante résonance. L’immigration, qui semble consubstantielle à la mondialisation, devient le talon d’Achille des démocraties, le sujet sur lequel les dirigeants et les élites se sont coupés des peuples et de leurs inquiétudes.
Cuisante défaite du libéralisme
Si Londres, capitale la plus avancée du libéralisme sur le continent européen, et Washington, qui dicte le dogme de l’économie financière au reste du monde, ne parviennent pas à comprendre la nécessité de protéger les populations des effets foudroyants de la globalisation, alors les courants populistes ont un boulevard devant eux. Pousser des cris d’orfraie ne fera que provoquer l’extinction de voix des ténors de la bien-pensance.
Est-il possible que les décideurs, flanqués d’experts qui dissèquent au mot près le moindre mouvement électoral, se trompent à ce point? Car de la masse des commentaires suscités par le Brexit surgit une carence troublante: le libéralisme et sa part d’arrogance, incarnée par les certitudes de la City, ont subi une défaite cuisante. Le 23 juin, les Britanniques ont rejeté l’immigration, confirmant l’adage selon lequel, durant un référendum, les électeurs ne se déplacent pas pour répondre à la question posée. Ce que les populistes de toutes les nations ont parfaitement orchestré et saisi.
Le “marché” ne rassure personne; on ne peut pas opposer les bons sentiments aux angoisses collectives; le confort moral des élites ne fait pas le bonheur des peuples. Ecoutons un praticien de la douche froide, le chancelier autrichien, Christian Kern, dont le pays a frôlé la catastrophe il y a un mois à peine: “La ligne de confrontation dans le débat n’est plus définie par les questions sociales, mais par les identités culturelles.”
Combattre le populisme
La question, maintenant, s’adresse à l’Amérique. Après la décision des juges suprêmes, qui met fin à son dernier grand projet emblématique, Barack Obama a laissé tomber: “Nous sommes une nation d’immigrants… L’immigration n’est pas quelque chose dont il faut avoir peur.” Soit exactement le genre de déclarations sur lesquelles Donald Trump capitalise un maximum de voix auprès de l’électorat blanc déclassé, déboussolé par l’absence de perspectives d’avenir.
Heureusement, Obama a aussi déclaré, avec une bien meilleure appréhension de la réalité: “En novembre, les Américains vont devoir se prononcer sur ce qui nous tient à coeur et sur ce que nous sommes.” En effet; mais Hillary Clinton a réagi à la décision de la Cour suprême en invoquant la misère du monde comme dans un dîner de charité, sans prononcer une parole pour les “petits Blancs”.
Pour que les Etats-Unis s’écartent du chemin suivi par leur plus proche allié en Europe, il faut que la candidate démocrate ne se paye pas de mots, qu’elle contourne le piège des bons sentiments et qu’elle se dépouille des habits de l’élitisme new-yorkais. On ne combat pas le populisme avec des discours antiracistes, pour la bonne raison que le sentiment populaire envers l’étranger, qui relève des peurs collectives, est profondément irrationnel. Pour preuve, le 5 mai dernier, le Royaume-Uni a assisté noblement à l’élection d’un maire d’origine pakistanaise à la tête de la mairie de Londres, la plus grande ville d’Europe. C’était sept semaines avant le Brexit.
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