« Nous ne sommes pas divisés», dit Obama
C’était la onzième fois depuis le début de son mandat qu’une tuerie le contraignait à prononcer un discours de condoléances et, peut-être pour cette raison, le président américain, Barack Obama, n’a pas caché mardi le découragement qui l’habitait encore, près d’une semaine après les assassinats de cinq policiers de la ville de Dallas, au Texas.
« Je suis ici pour dire que nous devons rejeter le désespoir. Je suis ici pour insister sur le fait que nous ne sommes pas aussi divisés que nous pouvons en avoir l’air », a déclaré le président, devant les policiers réunis dans la ville texane pour honorer la mémoire de leurs cinq collègues tués au cours d’une manifestation, jeudi dernier.
« Je ne suis pas naïf », s’est-il permis d’avancer ensuite. « J’ai parlé à trop de cérémonies, serré dans mes bras trop de familles qui avaient perdu des proches […] J’ai vu comment l’esprit d’unité né d’une tragédie pouvait se dissiper peu à peu. »Reconnaissant que même ses mots pouvaient être inadaptés, le président s’en est remis à la Bible. « N’aimons pas de parole, ni de langue, mais en action et en vérité », a-t-il déclaré.
Comme symbole d’union en soi, le président et sa femme, Michelle Obama, ont pris place à côté de l’ex-président George W. Bush. « Trop souvent, nous jugeons les autres groupes par leur pire exemple, alors que nous nous jugeons nous-mêmes par nos meilleures intentions », a déclaré le républicain, qui vit à Dallas depuis son départ de la Maison-Blanche.
Une faille dans la démocratie
Les assassinats de cinq policiers — Brent Thompson, Patrick Zamarripa, Michael Krol, Lorne Ahrens et Michael Smith — ne constituaient pas uniquement un acte de« violence démente », mais bien un geste de haine raciale qui a exposé une faille de la démocratie américaine, a déclaré Barack Obama. Devant lui, cinq chaises vides sur lesquelles étaient déposés des drapeaux américains pliés rappelaient les vies fauchées par Micah Johnson, un réserviste des Forces armées américaines qui a ouvert le feu sur les forces de l’ordre pendant une manifestation à la mémoire de Philando Castille et d’Alton Sterling, tombés sous les balles de policiers.
Le président avait soigneusement préparé son allocution, la veille. Coincé entre les attentes des policiers et celles de militants des droits civiques, Barack Obama a une fois de plus souligné l’héroïsme des policiers, tout en reconnaissant le biais raciste du système de justice criminel américain. Derrière lui, une rangée de policiers est d’abord restée silencieuse. « Nous en demandons trop à la police et nous nous en demandons trop peu à nous-mêmes », a-t-il ensuite affirmé. Il a obtenu, cette fois, l’assentiment des forces de l’ordre.
« Obama est dans une situation extrêmement difficile, a insisté Francis Langlois, membre associé de la Chaire Raoul-Dandurand. Il doit aller chercher deux [groupes] en opposition, leur dire de travailler ensemble. Il est le “ consoleur ” en chef. » À ce titre, son choix d’assister à la cérémonie avec George W. Bush n’est pas anodin. « Obama disait vouloir réunir l’Amérique, il disait qu’il n’y avait pas deux Amériques », a rappelé le professeur.
À l’Association nationale des organisations policières, le message d’union ne semble pas passer. Dans un texte publié mardi, la coalition, qui représente plus de 240 000 policiers américains, s’en est prise à Black Lives Matter, un mouvement qu’elle considère comme violent et qu’elle souhaite voir qualifié comme tel par l’administration Obama. « Les réactions, ou l’absence de réactions [de la part des élus et de l’administration Obama] font en sorte que les policiers deviennent des cibles et n’obtiennent pas l’appui de leurs élus », a écrit l’Association dans un long communiqué.
À l’inverse, des militants des droits civiques ont critiqué la décision du président, qui a coupé court à un voyage en Pologne pour se rendre à Dallas d’abord, et non au Minnesota ou en Louisiane, où Philando Castille et Alton Sterling ont été tués.« Politiquement, c’est une bonne décision, a analysé Francis Langlois. Ce qu’il dit, c’est : on veut la stabilité, on est derrière la loi et l’ordre. On ne veut pas avoir d’émeutes. » Aussi le président, jamais complètement à l’aise au sujet des questions raciales, est-il possiblement en train de préparer sa sortie, a avancé le chercheur, en rappelant que les démocrates auront vraisemblablement plus de travail à faire pour séduire une partie de l’électorat blanc qu’ils n’en auront à faire pour rallier les Noirs.
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