Bad Trump for the Republicans

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Par ses outrances, dont la critique de la famille d’un soldat musulman tué en Irak, le candidat populiste braque de plus en plus son propre camp. A tel point que certains ténors de son parti rêvent de l’écarter.

Les médias américains s’en donnent à cœur joie : depuis quelques jours, Donald Trump, le candidat investi fin juillet par le Parti républicain, multiplie erreurs et avanies. Les derniers sondages le donnent dix points derrière sa rivale, Hillary Clinton.

Comment s’est-il aliéné les caciques du parti ?

Dès samedi, alors que la convention démocrate se terminait à peine à Philadelphie, Trump a créé une violente polémique en insultant la mère voilée du capitaine Humayun Khan, tué au combat en Irak, en 2004. «Elle se tenait debout là-bas, elle n’avait rien à dire, a déclaré le milliardaire. Elle n’avait probablement pas le droit de dire quoi que ce soit», sous-entendant que son mutisme était dû à sa religion. Trump a déjà attaqué à plusieurs reprises les musulmans, en annonçant notamment qu’il leur interdirait d’entrer sur le territoire américain. Mais il a oublié que s’il y a une communauté dont on ne peut pas se moquer dans ce pays, c’est celle des vétérans. L’été dernier, le milliardaire avait déjà osé dire que John McCain, ex-candidat républicain à la présidentielle de 2008, n’était pas un «héros de guerre» parce qu’il avait été emprisonné pendant six ans à Hanoi, au Vietnam. «J’aime bien les gens qui n’ont pas été capturés», avait déclaré Trump. Un comble pour l’ex-étudiant à la carrure athlétique exempté de service militaire pour un kyste osseux au pied, en pleine guerre du Vietnam, comme l’a révélé lundi le New York Times.

Pour ses attaques contre les Khan, Trump s’est fait rabrouer par plusieurs pontes du parti. Le président du Comité national républicain (CNR), Reince Priebus, lui a demandé à plusieurs reprises de changer d’attitude. Ce que le businessman n’a pas du tout apprécié. Dans un geste de revanche, le candidat a refusé, mardi, de soutenir Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, et John McCain, pour la primaire aux élections parlementaires du 8 novembre. Un affront que Mike Pence, son colistier, a tenté de rattraper en annonçant, le lendemain, son soutien aux deux candidats. Cela n’a apparemment pas suffi. Selon ABC News, certains, dans les hautes sphères du parti, réfléchiraient à un moyen de remplacer Trump. Mercredi, la chaîne a affirmé que des caciques républicains préparaient une «intervention», pour le pousser à reprendre sa campagne en main ou à l’abandonner, nul ne le sait. Cette rencontre n’a pas été confirmée par les proches du magnat de l’immobilier.

Le parti peut-il changer de candidat ?

Deux semaines après avoir investi Donald Trump comme candidat officiel lors de la convention à Cleveland, certains élus républicains réfléchiraient donc à la possibilité de le remplacer. Les règles du parti n’évoquent pas une telle éventualité. Il faudrait donc que Trump démissionne et quitte de lui-même la campagne. Dans ce cas, le règlement du CNR précise que la place vacante pourrait être attribuée lors d’une nouvelle convention, ou directement par le Comité. Le parti pourrait aussi décider de changer ses statuts pour se débarrasser de Trump.

A-t-il intérêt à se débarrasser de Trump ?

Pas vraiment. En se séparant du milliardaire, les républicains risqueraient de s’aliéner une grande partie des soutiens que Trump a consolidés depuis le début de sa campagne, et notamment les 13,4 millions de personnes qui ont voté pour lui aux primaires. D’autant plus qu’un lourd sentiment antiestablishment existe dans les rangs des électeurs conservateurs. D’un autre côté, les républicains n’ont pas intérêt à soutenir Donald Trump dans toutes ses sorties rocambolesques, au risque de perdre des électeurs indépendants dont ils ont besoin pour remporter les élections parlementaires. Le 8 novembre, en même temps que l’élection présidentielle, sera renouvelée la totalité de la Chambre des représentants ainsi qu’un tiers du Sénat. «C’est un enjeu très important pour les républicains, qui doivent garder la majorité au Sénat s’ils veulent pouvoir désigner un juge conservateur à la Cour suprême, analyse Marie-Cécile Naves, sociologue associée à l’Institut des relations internationales et stratégiques (1). Les républicains marchent sur le fil du rasoir pour ces élections.»

Juste un énième épisode de la saga ?

On l’a assez appris depuis le début de la campagne présidentielle : avec Trump, on ne sait jamais ce que nous réserve le lendemain. Pour le moment, le candidat reste près de dix points derrière Hillary Clinton dans les derniers sondages réalisés, il est vrai, dans la foulée de la convention démocrate.

Sa base électorale est solide, comme le montre l’augmentation du financement de sa campagne par de petits donateurs, avec 82 millions de dollars (73,6 millions d’euros) en juillet, ce qui le place au niveau de Clinton. Selon Marie-Cécile Naves, «ces rebondissements sont surtout la preuve que les trois derniers mois de la campagne vont voir une escalade de violence dans les attaques, d’un côté comme de l’autre».

Mardi, le président américain, Barack Obama, a décrit Donald Trump comme étant «inapte» à prendre la tête du pays et a appelé les conservateurs à ne pas le soutenir. Ce qu’a fait dès le lendemain Meg Whitman, figure de la Silicon Valley, qui collecte des fonds pour les républicains. Elle sera sûrement suivie par d’autres membres importants du parti. Mais l’électorat populaire s’est, jusqu’ici, montré peu sensible à ces défections, qu’il juge politiciennes.

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