Avec Trump, la politique n’a plus de règles
Soutenu par ses partisans, la candidat républicain à la Maison Blanche continue d’insulter sa rivale démocrate. Mais dans les deux camps, beaucoup déplorent la violence verbale de cette campagne.
«Même la guerre a des règles», martelait il y a quelques mois le secrétaire général de l’ONU à propos des hôpitaux bombardés en Syrie. «Même la politique a des règles», serait-on tenté de dire au sujet de la campagne présidentielle américaine, au cours de laquelle les principes élémentaires de civilité semblent avoir été sacrifiés. «Such a nasty women» («quelle femme vicieuse») a par exemple vociféré Donald Trump cette semaine, lors du troisième et ultime débat télévisé avec sa rivale. L’invective se voulait une réponse à une pique d’Hillary Clinton sur le fait que le milliardaire paie peu (voire pas) d’impôts fédéraux. L’utilisation du mot «nasty», jugé particulièrement sexiste, a suscité de vives réactions. Mais pas franchement de surprise, tant les attaques personnelles sont monnaie courante dans cette course à la Maison Blanche de plus en plus indigeste.
Vendredi soir, Donald Trump tenait meeting dans la petite ville de Newtown, dans le nord-est de la Pennsylvanie. En une demi-heure de discours, il a eu le temps de qualifier l’ancienne secrétaire d’Etat de «stupide», de «menteuse» et de «candidate la plus corrompue de l’histoire», pour le plus grand plaisir de ses partisans. Dans la foule, outre l’emblématique casquette rouge «Make America Great Again», beaucoup portaient des T-shirts à l’effigie d’Hillary Clinton : «Hillary en prison», «Fière de détester Hillary» ou encore «La vie est une salope, ne votez pas pour une».
Signe d’une relation glaciale qui s’est encore détériorée ce mois-ci, Donald Trump et Hillary Clinton n’ont échangé que trois poignées de main en autant de débats : deux lors du premier duel fin septembre (avant et après), une seule lors du deuxième (à la fin) et aucune cette semaine lors de leur troisième rendez-vous. Le fait que les nominés des deux grands partis politiques américains ne puissent même pas partager ce geste basique de courtoisie montre à quel point le vainqueur aura des difficultés à réunifier un pays plus polarisé que jamais.
Si de nombreux partisans de Donald Trump, galvanisés par leur champion, ont adopté sa rhétorique anti-Clinton et anti-système, beaucoup de démocrates et certains républicains, à l’inverse, déplorent la violence verbale de cette campagne. Certains affichent même ouvertement leur nostalgie d’une époque révolue. Cette semaine, une lettre laissée en janvier 1993 dans le Bureau ovale par George H.W. Bush à l’attention de son successeur, Bill Clinton, a massivement circulé sur les réseaux sociaux. «Je vous souhaite beaucoup de bonheur ici. Ne laissez pas les critiques vous décourager ou vous faire dérailler», y écrit le président sortant. La dernière phrase de cette lettre manuscrite est sans doute la plus frappante, au regard du contexte actuel : «Vous serez notre président lorsque vous lirez cette lettre. Votre succès est désormais celui de notre pays. Je vous soutiens de toutes mes forces. Bonne chance». La femme d’affaires pakistanaise qui a publié cette lettre sur Twitter résume : «Il y a très, très longtemps, dans une terre très très éloignée, les hommes et femmes politiques avaient de la grâce.» Pas cette année.
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