Si la dissuasion repose sur un calcul des risques, alors le risque de dérapage et de conflagration se trouve accru avec la nouvelle « posture nucléaire » que viennent de rendre publique les États-Unis. Dans le but de « construire une force plus létale » pour contenir Moscou et Pékin, la Nuclear Posture Review 2018 défend l’idée effarante d’une « guerre nucléaire limitée », comme si les conséquences d’un affrontement atomique sur l’humanité et l’environnement pouvaient être raisonnablement contenues — et éthiquement minimisées. Outre que la stratégie américaine prévoit la production de nouvelles armes sous la forme de « minibombes atomiques » dans le but d’« élargir la gamme d’options crédibles des États-Unis », elle ouvre la porte à l’usage de ces armes même en cas d’attaques non nucléaires — en cas de cyberattaques de grande ampleur, par exemple.
Bref, c’est un projet de réarmement massif qui pousse à la relance d’une course aux armements et qui se trouve à vider de leur sens, quoi qu’en dise le secrétaire à la Défense Jim Mattis, des traités de réduction des armes nucléaires comme le New Start, négocié sous Barack Obama en 2010. C’est un énoncé d’intention qui est le contraire d’une incitation pour Kim Jong-un à dénucléariser la Corée du Nord.
Il faut cependant souligner qu’en la matière, M. Obama n’a pas été seulement la colombe à laquelle il a voulu faire croire pendant sa présidence. L’attachement qu’il avait manifesté en 2009 à un monde sans armes nucléaires, dans un fameux discours prononcé à Prague, ne l’a pas empêché en 2016 de donner son aval à un gigantesque programme, évalué à 1000 milliards $US sur 30 ans, visant à moderniser l’arsenal américain. Difficile de nier, en ce sens, qu’il y a continuité entre la démarche aujourd’hui avancée par M. Trump et celle de son prédécesseur démocrate.
Il faut dire aussi que la Russie comme la Chine sont effectivement engagées dans un vaste programme de modernisation militaire et que même les observateurs critiques de M. Trump estiment qu’il y a lieu pour les États-Unis d’en prendre acte et de s’ajuster. Reste que, relève Le Monde, le budget militaire américain dépasse ceux additionnés des neuf autres pays qui consacrent le plus d’argent à leur armée. Et qu’en matière de capacités nucléaires, Washington et Moscou demeurent grosso modo à parité, alors que la Chine ne dispose encore que d’une fraction du nombre d’ogives que possèdent les États-Unis.
Il est dans l’ordre de pensée de ce querelleur de M. Trump de faire croire que les États-Unis sont sur tous les plans en funeste état de faiblesse. Le mensonge est d’autant plus dangereux qu’il sert maintenant à justifier la surproduction d’armes nucléaires.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.