Not a Complete Dud

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Pas de collusion. Pas d’obstruction. Le président américain, Donald Trump, se délecte du rapport Mueller, rendu public en partie jeudi. Il aura le beau jeu de poser en suprême victime de l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle, une enquête qu’il assimile à la plus insolente infamie contre son auguste personne. C’est une « arnaque », un coup monté par des policiers corrompus et des démocrates véreux. Des mesures devront être prises pour qu’un président en exercice n’ait plus jamais à subir une pareille chasse aux sorcières, dit-il…

Ses adversaires n’ont même pas fini de lire le volumineux rapport que le président a déjà repris la route qui mène vers l’élection de 2020, avec le plein de munitions pour livrer son message victimaire et revanchard à une frange de l’électorat déjà séduite par le populisme tant sa méfiance des élites et des institutions publiques est grande. Les fines nuances du rapport seront vite perdues dans ce fatras trumpien.

Reprenant là où il avait laissé lors de la publication d’un sommaire de quatre pages du rapport, le secrétaire à la Justice, William Barr, a livré l’équivalent d’un brevet d’innocence au président Trump. Barr reconnaît l’ingérence réelle de la Russie qui s’est manifestée sous deux formes lors de la campagne de 2016 : l’instrumentalisation des réseaux sociaux à des fins de désinformation et de polarisation de l’électorat américain, et le piratage de données sensibles du Parti démocrate, rendues publiques par l’intermédiaire de WikiLeaks.

Les Russes et leurs associés n’ont pas obtenu l’assistance de Donald Trump ou de son entourage de campagne dans la poursuite de leurs stratagèmes frauduleux. Pas de preuve de collusion, et pas de preuve que Trump a tenté d’entraver le cours de la justice pour faire dérailler l’enquête de Mueller, a martelé Barr dans un point de presse vidé de sa substance étant donné que le rapport n’avait pas encore été rendu public, forçant les journalistes à poser des questions à l’aveuglette.

Le rapport n’est pas aussi généreux à l’égard de Trump que le prétend son secrétaire à la Justice. L’enquête conclut qu’il n’y a pas de preuves suffisantes de collusion pour porter des accusations. C’est une grosse différence.

Les membres de la campagne de Trump ont eu plus d’une centaine de contacts avec les Russes, WikiLeaks ou leurs intermédiaires. Ils savaient que certaines des actions posées par la Russie allaient être favorables à la campagne du républicain. Ils ne peuvent pas être tenus responsables au criminel, car l’enquête démontre qu’ils n’ont pas participé à la cyberattaque contre les démocrates, et qu’ils n’ont pas été impliqués dans le processus de diffusion des données par WikiLeaks. L’organisation fondée par Julian Assange n’a pas participé au piratage de données non plus, elle s’est contentée de les rendre publiques. Encore là, cette nuance fait de la coopération entre l’équipe de Trump et celle d’Assange une activité qui échappe à la justice criminelle. Coordination n’est pas collusion, en somme.

S’ils n’avaient rien à se reprocher, pourquoi tant de membres de la garde rapprochée de Trump ont-ils menti sur leurs contacts avec des intermédiaires russes ? Cette question demeure sans réponse.

Loin d’être un pétard mouillé, l’enquête a mené au dépôt d’une centaine d’accusations contre 34 personnes, parmi lesquelles figurent six hommes de main ou conseillers de Trump. Le rapport Mueller documente non seulement l’ingérence russe pour fragiliser le tissu démocratique, mais une cavale effrénée du président Trump pour enterrer l’enquête.

Le procureur spécial, Robert Mueller, a recensé une dizaine d’incidents qui auraient pu s’apparenter à une tentative d’entrave à la justice par le président Trump. Celui-ci n’a pas ménagé les critiques et les interventions pour faire dérailler l’enquête : renvoi du directeur du FBI, James Comey, déclarations trompeuses sur les contrats de l’équipe de Trump avec la Russie, demande de renvoi de Mueller, tentatives de limiter l’étendue de son travail, pressions sur l’ex-ministre de la Justice Jeff Sessions, etc.

Si l’enquête avait démontré clairement que le président n’a pas commis d’entrave à la justice, Mueller l’aurait clairement indiqué, affirme le rapport. En lieu et place d’une exonération, cette phrase sibylline plane sur les gestes commis par Donald Trump. Le rapport « ne conclut pas que le président s’est rendu coupable d’un délit, mais ne le disculpe pas non plus ».

Un président en fonction ne peut être accusé dans l’exercice de ses fonctions sans provoquer une crise constitutionnelle, ce que Robert Mueller a explicitement voulu éviter. Il n’est toutefois pas exclu qu’il puisse être traîné en justice au terme de sa présidence. Mueller renvoie donc la balle au Congrès, en précisant que les élus disposent de l’autorité nécessaire pour empêcher un président de faire un usage abusif de ses pouvoirs.

Le Comité de la justice, à majorité démocrate, n’a pas tardé à prendre le relais en invitant le procureur spécial à comparaître. Non, la fin de l’enquête Mueller ne marque pas la fin des enquêtes sur Donald Trump.

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