Biden Caught between 2 Borders

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Biden en étau entre deux frontières

Il aurait été naïf de la part de l’administration Biden de croire qu’elle aurait la vie facile aux frontières. Mais le scénario du pire est en train de se réaliser, et pas juste au sud.

L’administration Biden est aux prises actuellement avec une situation particulière : les deux frontières continentales des États-Unis font simultanément face à des problèmes opposés.

À la frontière nord, avec le Canada, on se demande pourquoi il ne se passe toujours rien après un an de fermeture ; à la frontière sud, avec le Mexique, on se demande plutôt pourquoi il y a tant d’activité après seulement deux mois de sa présidence.

La frontière canado-américaine

La proximité, au fil du temps, au 45e parallèle nous a peut-être fait tenir pour acquis la nature exceptionnelle de la frontière que le Canada partage avec les États-Unis : c’est la plus importante, à la fois géographiquement et commercialement, de la planète. Sa fermeture, il y a un an cette semaine, était dramatique en soi.

Le fait que, un an plus tard, il n’existe toujours aucune espèce de plan de réouverture l’est peut-être plus. Que ce soit du côté du gouvernement Trudeau ou de l’administration Biden, aucun critère, aucun baromètre précis ou le moindrement scientifique n’a même été présenté.

Comme le dévoilait le correspondant de CBC à Washington Alex Panetta cette semaine, un nombre croissant d’élus américains, particulièrement ceux représentant des circonscriptions près de la frontière, commencent à taper du pied et à exiger des réponses des autorités fédérales. L’avis émis récemment par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) selon lequel les adultes vaccinés peuvent se réunir sans masque ou distanciation, le président promettant un accès universel à la vaccination aux États-Unis d’ici mai, et la levée des restrictions sanitaires dans plusieurs États vont probablement les rendre encore plus impatients.

L’ampleur de cette pression toutefois, que ce soit aujourd’hui ou en mai, n’aura assurément rien à voir avec celle ressentie quelque 3 000 km au sud… à l’autre frontière.

La frontière mexicano-américaine

Les arrivées massives de migrants à la frontière mexicano-américaine n’ont rien d’inhabituel. Les dernières administrations américaines des deux partis ont eu à affronter des crises, sous une forme ou une autre, à la frontière avec le Mexique. Mais cette vague dépasse toutes les autres depuis le début du siècle, selon les propos mêmes du secrétaire à la Sécurité intérieure de Biden, Alejandro Mayorkas, fils de réfugiés cubains.

Cette montée fulgurante du nombre de migrants inclut beaucoup de mineurs non accompagnés d’adultes. Seulement la semaine dernière, ce sont plus de 4 000 enfants qui ont été mis dans des cellules pour adultes après avoir passé la frontière de façon irrégulière.

Cela pose évidemment des problèmes humanitaires immédiats — mais menace aussi d’en créer d’autres de nature politique pour Biden… et peut-être plus vite qu’on ne le croit.

Durant la campagne de 2020, Biden s’est présenté en contraste avec Donald Trump, notamment sur les mesures résolument restrictives de ce dernier en matière d’immigration. Si la présidence Trump avait marqué une partie de l’imaginaire collectif avec ces images, impossibles à oublier, de jeunes enfants séparés de leurs parents avant d’être emprisonnés dans des cages, celle de Biden en serait une de compassion et d’humanisme.

Or, au-delà de savoir à quel point les critiques de Biden ont raison de l’accuser d’avoir créé un effet d’« aimant » avec sa rhétorique, on doit reconnaître qu’il se retrouve maintenant coincé entre l’arbre et l’écorce.

D’un côté, adopter aujourd’hui une ligne plus dure risque de provoquer une combinaison de déception et de ressentiment au sein de l’aile plus à gauche de son parti et chez certaines clientèles clés de ce dernier. Les majorités démocrates au Congrès sont si minuscules que tout soulèvement pourrait fragiliser la gouverne de Biden.

De l’autre côté, le président ne peut tolérer un tel afflux sans risquer de se mettre à dos le reste de l’électorat — surtout dans un contexte où les républicains, multipliant déjà les visites à la frontière pour souligner le problème, ne manqueront pas de jouer la carte de la sécurité nationale. Cela est particulièrement vrai après que l’on eut appris que parmi les personnes appréhendées à la frontière se trouvaient des gens répertoriés dans les bases de données américaines de suspects de terrorisme.

Déjà, le phénomène est complexe à souhait. Les migrants viennent majoritairement du Mexique, de pays d’Amérique centrale comme le Honduras, mais aussi du Venezuela et autres contrées d’Amérique du Sud, frappés par des crises naturelles, politiques et humanitaires. Ces gens montent graduellement au nord pour atteindre le Mexique puis, ultimement, la frontière américaine.

La nouvelle administration a peut-être raison de croire qu’une véritable solution au problème passe par une amélioration des conditions dans ces pays. Mais avant, la pression politique deviendra brûlante pour le nouveau président. Blâmer l’ancien gouvernement, comme le fait ces jours-ci la porte-parole de la Maison-Blanche, ne pourra suffire éternellement.

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