La vraie révolution des plans de relance massifs promus par le président démocrate pour relancer l’économie porte sur les classes moyennes et populaires, remises au cœur de l’action publique.
Joe Biden veut transformer l’Amérique, et il veut le faire vite. Celui que Donald Trump surnommait « Sleepy Joe » (« Joe l’endormi ») pendant la campagne électorale surprend aujourd’hui par l’audace et la rapidité avec lesquelles il enchaîne les plans de dépenses colossales. Après les 1 900 milliards de dollars (1 615 milliards d’euros) annoncés en mars pour relancer l’économie, il envisage d’en investir 2 250 milliards de plus pour rénover les infrastructures et, dans la foulée, quelque 1 000 milliards de dollars supplémentaires pour aider les familles. Le nouveau président démocrate n’a pas peur d’en faire trop ; il jouit du soutien des Américains, satisfaits de la campagne de vaccination menée tambour battant.
Et, surtout, le vent a tourné outre-Atlantique. L’heure n’est plus au credo libéral de l’ère Reagan. La pandémie a marqué le grand retour de l’Etat fédéral. Derrière l’immense pari keynésien de Joe Biden, les lignes de la réflexion économique sont en train de bouger. La théorie du « ruissellement » chère à Donald Trump, en vertu de laquelle les cadeaux aux plus riches profitent à tous par ricochet, n’a plus le vent en poupe : Joe Biden veut, entre autres, relever l’impôt sur les sociétés de 21 % à 28 %. De même, la théorie qui veut qu’une économie poussée jusqu’à la surchauffe voie les prix flamber ne fait plus reculer les responsables politiques. Ces plans massifs vont permettre aux Etats-Unis de soumettre cette doctrine à un test grandeur nature.
Protection sociale
Ces investissements, qui doivent encore recevoir l’aval du Congrès, sont-ils aussi révolutionnaires que le laissent entrevoir leurs promoteurs ? Un tiers des 2 250 milliards de dollars, dépensés sur huit ans, sera consacré aux infrastructures de transport, le second tiers à l’industrie, aux réseaux de communications et aux logements, et le dernier tiers aux soins à domicile. Une large partie de ces sommes comblera les décennies de sous-investissement qui ont suivi les années Reagan. Comme les ponts, les réseaux routiers et ferroviaires des Etats-Unis sont dans un état pitoyable.
Si ces dépenses sont censées être colorées d’une préoccupation environnementale, le volet consacré à la transition énergétique manque néanmoins d’ambition. Le plan Biden n’est pas le « Green New Deal » promis : il ne propose ni un prix haut du carbone ni une taxe sur les carburants susceptible d’accélérer sensiblement la révolution verte.
En réalité, la révolution est ailleurs : les classes populaires et moyennes sont remises au cœur des préoccupations publiques. Ce sont elles qui, depuis vingt ans, ont subi les conséquences de la désindustrialisation et de l’automatisation des emplois. Donald Trump a voulu répondre à leur détresse par le protectionnisme. Joe Biden, lui, met à profit l’urgence résultant des dégâts de la pandémie de Covid-19 pour tisser les filets de protection sociale qui font défaut à son pays.
Outre les chèques de 1 400 dollars distribués aux adultes gagnant moins de 75 000 dollars par an, il compte investir dans le logement et la santé des plus fragiles, améliorer la couverture numérique des régions rurales, repenser les crédits d’impôt pour gardes d’enfants afin qu’ils profitent surtout aux plus modestes, ou encore réduire le coût de l’assurance-maladie pour les moins aisés. D’autres mesures sociales seront dévoilées dans les semaines à venir. S’il réussit son pari, Joe Biden aura bel et bien tourné la page économique du reaganisme. Et, sans doute plus important pour lui, celle du trumpisme.
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