ÉDITORIAL. Après la politique «tout Israël» de Donald Trump, Joe Biden part avec le lourd handicap de devoir reconstruire une crédibilité de médiateur perdue. Son choix de rester pour l’instant en retrait dans le dossier israélo-palestinien comporte des risques
Que font les Etats-Unis? Alors que les tirs de roquettes pleuvent sur Tel-Aviv et que les frappes aériennes sur Gaza se multiplient, la relative réserve de Joe Biden peut surprendre. Certes, depuis son accession à la Maison-Blanche, le président démocrate a fait le choix stratégique d’axer davantage sa politique étrangère sur la Chine, au détriment du Moyen-Orient et de l’Europe. Il s’écarte aussi du «tout Israël» de Donald Trump, tout en hésitant à augmenter la pression sur Benyamin Netanyahou par crainte de nuire aux efforts pour relancer l’accord sur le nucléaire iranien. Mais cette politique du dos rond est-elle à terme viable?
Sans afficher clairement ses intentions, ou du moins en prenant son temps pour le faire, le président démocrate fait l’objet de critiques. Beaucoup moins présent que ses prédécesseurs sur ce dossier, se désinvestit-il pour autant des efforts de paix dans la région? En coulisses, la diplomatie américaine est très active et multiplie les contacts, insiste la Maison-Blanche.
Bien sûr, la prudence affichée jusqu’ici comporte des risques. A commencer par celui de la perte de leadership, alors que les Accords d’Oslo de 1993 et la poignée de main historique entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat sur la pelouse de la Maison-Blanche, sous le regard de Bill Clinton, ont démontré les capacités de la diplomatie américaine à mener des négociations de paix. Mais elle s’explique: Joe Biden part avec un lourd handicap. Car la crédibilité de médiateur des Etats-Unis, encore bien réelle jusqu’à la fin du mandat de Barack Obama, a été entachée par Donald Trump et son alignement à 100% sur Israël. Elle ne demande qu’à être reconstruite.
Joe Biden s’y attelle, à son rythme. Le démocrate fait face à son premier grand test de politique étrangère, lui qui espère marquer l’histoire. Plus question de donner carte blanche à Israël. Washington doit reprendre de l’influence pour espérer faire bouger deux camps figés. Mais rétablir, côté palestinien, la confiance érodée pendant les années Trump prendra du temps. Joe Biden a notamment fait comprendre à Benyamin Netanyahou que le canal avec la Maison-Blanche serait désormais moins ouvert que sous son prédécesseur. Tiraillé à l’interne et alors que l’aile gauche de son parti exige encore plus de fermeté vis-à-vis de l’Etat hébreu, il se perd toutefois un peu en signaux contradictoires. Sa stratégie, prudente, s’illustre pour l’instant surtout par son opacité. Une opacité qui, devant l’urgence de la situation, n’attend qu’à être dissipée.
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