Why the New Cold War Must Be Taken Seriously

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ÉDITO. Une guerre d’influence frontale se joue entre, d’un côté, les Etats-Unis et ses alliés, européens notamment, et, de l’autre, la Chine et la Russie, soutenues par l’Iran. Ce sont deux visions du monde, deux formes de régimes politiques aux intérêts irréconciliables qui se font face.

Loin des échanges feutrés qui siéent habituellement aux sommets diplomatiques, la rencontre, qui eut lieu en Alaska, fut plus que glaciale. Le 18 mars, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken échangeait des noms d’oiseaux avec son homologue chinois, Yang Jiechi, lors de leur discussion sur un terrain neutre, à Anchorage. Devant les caméras, les deux hommes se sont livrés avec une rare véhémence à une guerre de positions, l’Américain accusant la Chine d’« actes qui menacent la stabilité mondiale » quand le Chinois dénonçait la volonté des Etats-Unis d’« imposer leur propre démocratie dans le reste du monde ».

Rarement l’opposition de deux blocs antagonistes, se disputant l’hégémonie sur le reste du globe, avait été aussi ouvertement affichée : alors que le concept de guerre froide était relégué dans les oubliettes de l’histoire depuis l’effondrement du bloc soviétique, le voilà à nouveau convoqué pour décrire le brutal affrontement qui structure désormais les rapports de force internationaux.

Depuis quelques mois, le brouillard qu’avaient entretenu les années Trump dans l’ordre mondial s’est dissipé. Si l’ancien président américain faisait montre d’une grande complaisance envers la Russie et les régimes autocratiques, plus aucune ambiguïté n’existe désormais : une guerre d’influence frontale se joue entre, d’un côté, les Etats-Unis et ses alliés, européens notamment, et, de l’autre, la Chine et la Russie, soutenues par l’Iran.

Ces dernières semaines, les escarmouches se sont multipliées. Sanctions de dirigeants chinois par les Etats-Unis en condamnation de la violente répression des Ouïgours ; grave violation de l’espace aérien de Taïwan par la Chine alors que l’île venait de signer un accord de coopération de sécurité renforcée avec les Américains ; reprise des tensions entre l’Ukraine et la Russie dans le Donbass ; enlèvement brutal, par la Biélorussie, d’un journaliste d’opposition par le détournement d’un avion de ligne au nez et à la barbe des Européens.

Bloc contre bloc, ce sont deux visions du monde, deux formes de régime politique aux intérêts irréconciliables qui s’affrontent. Il est désormais loin le temps où le camp occidental, dans la foulée de la chute du Mur, décrétait naïvement « la fin de l’histoire » et l’avènement, tôt ou tard, de la démocratie dans le sillage de l’économie libérale. Aujourd’hui, les Etats-Unis et leurs alliés sont forcés de constater que l’Etat de droit, loin d’être majoritaire dans le monde, est contesté, voire rejeté par l’influence grandissante des pays illibéraux.

C’est Joe Biden qui le premier a sonné le tocsin en février : « Les démocraties sont attaquées », a-t-il alerté avant d’assurer à ses alliés que « l’Amérique est de retour ». Il a enfoncé le clou, ce 6 juin, dans une tribune au « Washington Post », quelques jours avant sa rencontre avec Vladimir Poutine, prévue le 16 juin : « Il n’y aura aucun doute sur la résolution des Etats-Unis à défendre nos valeurs démocratiques », affirme-t-il, en promettant de consolider ses « alliances » face aux menaces croissantes de Moscou et Pékin.

Ces déclarations ne sont pas que de façade. Car les pays occidentaux sont désormais agressés sur leur propre terrain, comme on l’a vu avec la grave ingérence de hackers russes dans le scrutin américain de 2016. Attaques informatiques et cyberguerre, infiltration des institutions, campagne d’intoxication et de fake news : la Russie comme la Chine utilisent toutes les techniques modernes de déstabilisation, qui n’excluent en rien les bonnes vieilles méthodes criminelles comme les tentatives d’empoisonnement d’opposants russes en Europe.

En France, l’influence russe s’exerce via des médias complaisants et des relais politiques dont nombre font le jeu de l’extrême droite. La nouvelle guerre froide doit être prise au sérieux car elle se joue désormais à domicile : contre les espions qui viennent du froid, les armes de la démocratie que sont la liberté d’expression, le pouvoir de la presse et le soutien aux opposants des régimes autoritaires sont plus importantes que jamais.

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