After 6 Months in Office, Can Joe Biden Change America?

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Après 6 mois au pouvoir : Biden peut-il changer l’Amérique ?

Le nouveau président va-t-il vraiment changer l’Amérique ? La question se pose alors que, depuis son élection, Joe Biden étonne par l’audace de ses annonces. Dès son investiture le 20 janvier 2021, il démarrait son mandat en trombe avec des mesures inégalées dans l’histoire des États-Unis. Mais le virage amorcé cale au Sénat… Et le président peine, notamment, à sauver son plan de relance à 4 000 milliards de dollars. Bilan de 6 mois de présidence Biden avec Christophe Deroubaix, grand reporter à l’Humanité, spécialiste des États-Unis.

Il était parti sur les chapeaux de roue. À peine entré dans le bureau ovale, « Sleepy Joe », Joe l’endormi, surnom dont l’avait affublé Trump, se montrait d’une vigueur politique inattendue. Il suffit pour en juger de regarder ses annonces depuis son élection :

Un doublement du salaire minimum pour l’établir à 15 dollars de l’heure, qu’il n’a pas réussi à faire passer.

Un plan de relance de 1900 milliards de dollars, soit près de 10% du PIB. Celui-ci a d’ailleurs été adopté le 11 mars par le Congrès. Il prévoit chèque de 1400 dollars pour chaque Américain et l’extension de l’indemnité chômage fédérale supplémentaire de 400 dollars par semaine jusqu’en septembre 2021.

Un gigantesque plan d’investissements dans les infrastructures (routes, ponts, réseaux électriques et numériques). D’un montant total potentiel de 4000 milliards de dollars, en dix ans, en partie financé par l’augmentation de l’impôt sur les sociétés et une fiscalité accrue pour les ménages les plus riches.

Un impôt minimum mondial sur les multinationales de 21%, finalement ramené à 15% après un compromis passé au G20.

On peut ajouter à la liste les 17 décrets présidentiels signés dès son entrée en fonction :

Le retour des Etats-Unis dans les accords de Paris et au sein de l’Organisation mondiale de la santé.

La fin du « muslim ban » qui interdisait d’entrée sur le territoire américain les ressortissants de plusieurs pays musulmans.

L’abandon de la construction du mur avec le Mexique.

Enfin, un moratoire imposé au projet d’oléoduc géant Keystone XL.

L’ancien chantre des politiques ultra-répressives

Cette liste donne presque le vertige pour qui a en tête le parcours politique de Joe Biden. Depuis son élection au Sénat, il a toujours été un « modéré », un « centriste », enclin aux compromis avec les républicains et enclin aux compromis avec les idées dominantes. Dans les années 70, il vote l’amendement Hyde qui interdit tout financement fédéral de l’avortement, pourtant reconnu comme un droit constitutionnel depuis un arrêt de la Cour Suprême en 1973.

Dans les années 80, il vote des deux mains les allégements massifs d’impôts voulus par Ronald Reagan. Durant la décennie suivante, il se fait le chantre des politiques ultra-répressives en rédigeant la loi sur la criminalité de 1994, signée par Bill Clinton , et qui déclenche une hausse vertigineuse de la population carcérale.

Le nouveau positionnement politique de Joe Biden

Alors, on peut se légitimement se demander ce qui est arrivé à Joe Biden. John Mason a une hypothèse. Ce professeur de sciences-politiques à l’Université William-Patterson, dans le New Jersey, la formule en ces termes : « Si Joe Biden est un centriste, cela veut dire qu’il suit le centre de gravité de son parti. Quand celui-ci évolue à gauche, il suit. » Le magazine marxiste Jacobin dit à peu près la même chose lorsqu’il titre dès janvier 2021 : « Si Joe Biden vire à gauche, vous pouvez remercier la gauche. »

Le nouveau positionnement politique de Joe Biden correspond donc à une évolution centrale, majeure, de la vie politique américaine : le glissement à gauche des électeurs démocrates. Un phénomène qui a sans doute été rendu trop peu visible voire invisible par le glissement à droite des électeurs républicains, incarné par Trump et le trumpisme. Ces deux évolutions conjuguées traduisent le phénomène le plus marquant de la période aux Etats-Unis : la polarisation. Elle est politique, idéologique, sociologique, géographique.

Un projet porté par une nouvelle génération

Pour ce qui est de l’évolution à gauche, on peut dire qu’elle s’est vraiment accélérée au cours des mandats de Barack Obama, qui ont généré déceptions et frustrations. A partir de 2010, les mouvements sociaux gagnent de l’audience et du terrain alors que les inégalités – sociales, raciales, de genre – continuent de progresser. La campagne de Bernie Sanders lors de la primaire démocrate de 2016 catalyse ces revendications et mobilisations et en fait un projet politique.

Ce projet est notamment porté la nouvelle génération. On les appelle les Millennials, ils sont nés entre 1981 et 1996 et ont donc entre 25 et 40 ans aujourd’hui. Ils sont la force motrice du renouveau de la lutte pour les droits civiques, avec Black Lives Matter, de la nouvelle page du féminisme, avec le mouvement MeToo, du retour du mouvement syndical, avec le puissant mouvement pour un salaire minimum décent à hauteur de 15 dollars de l’heure, ainsi que de l’émergence de la nouvelle grande question moderne : celle du changement climatique. Joe Biden a appris quelque chose de la vie politique, et sans doute encore plus des mandats de Barack Obama : si on ne gouverne pas en lien avec sa base sociale et politique, on est réduit à l’impuissance.

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