Edited by Louis Standish
L’unilatéralisme ou la loi du plus fort érigé en doctrine
facettes pour un même unilatéralisme. Mais aussi trois échecs programmés pour une doctrine dont on voit les limites
PHILIPPE DUMARTHERAY, Rédacteur en chef adjoint
Publié le 31 mars 2006
George Bush qui part en guerre contre l’Irak de Saddam Hussein, Ariel Sharon puis Ehud Olmert qui décident de quitter Gaza et sans doute bientôt une partie de la Cisjordanie sans négociations avec les Palestiniens, Dominique de Villepin qui impose sans concertation le CPE (Contrat première embauche), cela a un nom: l’unilatéralisme. Et un corollaire: le refus de discuter, de trouver des compromis avec l’autre, l’ennemi, le partenaire ou le concurrent. Bref, cette nouvelle doctrine, car il s’agit bien de cela, ressemble à la loi du plus fort remise au goût du jour pour la rendre plus présentable.
Du côté des puissants, l’interprétation est naturellement différente. En substance, là où le dialogue n’est plus possible, là où les positions sont trop tranchées, là où le «multilatéralisme» onusien ferait perdre trop de temps, alors oui, choisissons l’action immédiate plutôt qu’un mauvais statu quo.
Le dernier exemple en date vient d’Israël. Très lucidement, les dirigeants, Sharon puis maintenant Olmert, ont vu qu’il n’était plus possible de s’accrocher au mythe d’un grand Israël. Sous peine, démographie oblige, de devoir à terme sacrifier la démocratie et l’existence d’un Etat juif. La logique aurait voulu qu’Israéliens et Palestiniens s’asseyent alors à la même table pour trouver une solution évidente. A savoir, la restitution des territoires avec quelques aménagements à négocier qui auraient permis d’assurer la sécurité pour Israël et la justice pour les Palestiniens. Cela aurait dû s’appeler un plan de paix entre ennemis devenus par une volonté commune des partenaires. On n’en est pas là pour plusieurs raisons plus ou moins valables. Israël ne peut pas discuter avec un partenaire, le Hamas, qui réclame la destruction de l’Etat hébreu. Cela se comprend. Reste l’autre raison. Israël entend garder la plus grande partie des colonies de peuplement et le contrôle de la vallée du Jourdain. Sans contrepartie naturellement. Ce sera donc la loi du fort dont le bon vouloir est d’accorder à l’ennemi palestinien, qui le restera, ce qui l’arrange.
L’exemple, comme souvent, vient des Etats-Unis. Reprenons le cas irakien. Après le traumatisme du 11 septembre 2001, l’Amérique a voulu voir en Saddam Hussein le grand Satan, l’homme capable de mettre à feu et à sang une région vitale pour les Etats-Unis. Sans oublier bien d’autres raisons, beaucoup moins avouables, qui n’avaient rien à voir avec la justice et la sécurité des Etats-Unis. On connaît la suite avec la résistance justifiée, l’histoire l’a prouvé, de la majorité des membres du Conseil de sécurité. Ce fut la guerre préventive qui est le prolongement militaire de l’unilatéralisme. Une doctrine fermement établie du côté de Washington puisque le concept pourrait être étendu à l’Iran.
Sans aller jusqu’à la guerre, l’unilatéralisme semble bien entré dans les mœurs politiques. On vient de le voir en France où Dominique de Villepin a choisi d’imposer le CPE sans consulter ni les syndicats ni les principaux intéressés: les jeunes.
Trois cas fort différents, trois facettes d’un même unilatéralisme. Mais aussi trois échecs programmés pour une doctrine dont on voit les limites. En Irak, l’Amérique est engluée dans un conflit qui n’avait pas de raison d’être. Israël quittera sans doute une partie de la Cisjordanie sans pour autant régler le problème israélo-palestinien. Quant à Dominique de Villepin, c’est sans doute sa carrière politique qu’il est en train de mettre à mal.
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