La machine Guantánamo se grippe
DROITS HUMAINS Trois suicides font vaciller la prison high-tech.
NICOLAS VERDAN
Publié le 12 juin 2006
Un prisonnier retrouvé mort dans sa cellule. Le cauchemar pour tout directeur de prison. Parmi les moyens d’évasion, le suicide met en échec tout le système carcéral. Guantánamo n’aura pas échappé à ce scénario classique. Le camp de prisonniers le plus high-tech au monde a failli à sa mission. Sous les yeux de centaines de caméras, dans la lumière des spots allumés 24 heures sur 24, trois détenus sont parvenus à s’envoyer ad patres par pendaison. Ce triple suicide est la conséquence logique des conditions très spéciales d’enfermement sur cette base navale de Cuba. Emprisonnés les fers aux pieds, parfois logés dans des cages, ces présumés terroristes à la blouse orange ignorent quelle sera la durée de leur détention. Coupables ou innocents, ils ne connaissent pas les chefs d’accusation portés contre eux. Prisonniers d’une guerre dite «contre le terrorisme», ils échappent pourtant aux Conventions de Genève qui leur accorderaient au moins un statut. Amnesty International, le CICR, l’Union européenne, dénoncent depuis 2001 cette prison de non droit. Rien n’y fait. En dépit des pressions, les Etats-Unis ont toujours justifié leur Guantánamo. Ce dernier «incident» pourrait bien ébranler l’assurance de Washington parce qu’il perturbe un système que l’administration Bush voulait infaillible. On ne mourrait pas à Guantánamo. On y était le prisonnier modèle d’une guerre juste. Désormais, le camp est une prison comme une autre. Cette soudaine normalité pourrait paradoxalement accélérer la fin de cette sinistre machine du désespoir.
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