September 11: 'A Terrible Shock; a Disastrous Response'

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11 septembre, un épouvantable choc et de désastreuses ripostes

11 SEPTEMBRE 2001 «Là où il aurait fallu utiliser

l’intelligence, on a usé d’une force brutale dirigée de plus contre de mauvaises cibles»

PHILIPPE DUMARTHERAY, Rédacteur en chef adjoint

Publié le 11 septembre 2006

Cinq ans déjà. D’habitude, les anniversaires ont pour vocation de nous replonger dans le passé, d’isoler un événement, de le décrire, de faire un nécessaire travail de mémoire et, trop rarement d’en tirer d’utiles leçons pour le futur. Avec le 11 septembre 2001, tout est différend. La marche du monde tourne autour de cette date pivot qui conditionne toujours complètement notre présent. Pensons simplement aux mesures de sécurité dans le trafic aérien.

Il y a, certes, eu le traumatisme de l’attentat, une immense compassion pour le peuple américain touché dans sa chair et son âme. Mais il y a eu ensuite d’autres événements tragiques qui font que le 11 septembre apparaît comme une bataille importante au milieu d’une guerre qui n’est pas terminée. Rapprochement trop audacieux peut-être, le 11 septembre rappelle en pire encore le désastre de Dunkerque au cours de la deuxième Guerre mondiale. Un choc psychologique qui a mis à nu nos faiblesses et notre aveuglement face à un monde qui a changé sans que nous en prenions conscience.

Mais le 11 septembre c’est surtout l’histoire de l’échec tragique des ripostes apportées à ces attentats traumatisants. Guerre en Afghanistan, en Irak, lutte hystérique et contre-productive contre le terrorisme avec ses dérapages qui ont terni l’image de nos démocraties. Là où il aurait fallu utiliser l’intelligence, on a usé d’une force brutale dirigée de plus contre de mauvaises cibles.

Comprenons-nous bien. Après le 11 septembre, l’Amérique ne pouvait pas rester les bras croisés, ne recourir qu’à la diplomatie. Cette attitude aurait été interprétée comme un signe de faiblesse, comme l’incapacité de l’hyper mondiale à se défendre. Dans ce contexte, la guerre d’Afghanistan était sans doute légitime. Après tout, Ben Laden avait trouvé refuge chez les talibans. Pour la petite histoire, ces mêmes talibans, il faut le savoir, ne sont pas arrivés au pouvoir à Kaboul sans bénéficier de quelques soutiens. Dont ceux, indirects, des Etats-Unis.

Malgré tout, il y avait une certaine cohérence à frapper l’ennemi au cœur. Le résultat? Pitoyable. Ben Laden court toujours, les talibans reviennent en force, le pays est à nouveau couvert de champs de pavot. L’Afghanistan est au bord de l’effondrement.

Le cas de l’Irak est pire encore. A l’aveuglement s’est ajoutée une idéologie messianique. Saddam était, certes, un criminel. Mais il ne constituait pas une réelle menace. Il n’avait ni contacts avec les mouvements terroristes liés à Al-Qaida, ni armes de destruction massive. Dans le mauvais dossier américain ne sont finalement restées que la rage impuissante et la vengeance associées à l’envie de contrôler les ressources pétrolières irakiennes. En un mot, une opération guidée par l’idéologie et censée de surcroît rapporter le jackpot. Une aventure délirante comme le furent mille ans plus tôt le départ des Croisés, dont les motivations n’étaient pas que religieuses, vers la terre sainte.

Ces événements successifs ont évidemment contribué à cristalliser les fronts. Là où il aurait fallu isoler ceux qui pratiquent le terrorisme, Washington a réduit la réalité à un monde binaire en leur fournissant un fantastique terreau où ils ont pu confirmer leur thèse, développer leurs actions, trouver des échos et des relais auprès de populations, premières victimes du rouleau compresseur américain.

Au bout du compte, le résultat est ahurissant. L’Amérique de Bush, de victime du 11 septembre, est devenue un bourreau aux yeux d’une grande majorité de terriens.

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