Paniques planétaires!
«N’importe quel séismelocal, financier notamment,risque de provoquer désormaisun tsunami global…»
Dr. Claude Monnier, Chroniqueur
On s’inquiète beaucoup des effets planétaires de la crise américaine des subprimes. Même notre UBS, supposée prudente entre toutes, a laissé dans l’affaire de ces prêts hypothécaires à risques quelques milliards de plumes. C’est dire.
Mais à se focaliser sur cette crise particulière, on perd de vue l’image d’ensemble: celle de l’ultime décloisonnement de la planète. Les frontières sont tombées devant les capitaux, lesquels coulent désormais sans entraves n’importe où sur la planète, en quête de meilleurs profits; devant les marchandises; et devant les migrations humaines, légales ou illégales.
Le tableau général est donc, désormais, d’une planète dont la surface est entièrement fluide: tout y court, tout y coule, librement. Ce qui présente d’énormes avantages, les meilleures opportunités pouvant être systématiquement exploitées pour accroître la richesse globale – qui reste inégalement répartie, il est vrai. Mais aussi un inconvénient majeur: n’importe quel séisme local, financier notamment, risque de provoquer désormais un tsunami global et une panique planétaire.
Trois exemples des effets de cette néo-fluidité. Celui des subprimes justement. Il y a soixante ans, si quelques milliers de travailleurs américains modestes s’étaient trouvés dans l’impossibilité de rembourser leurs emprunts hypothécaires, nous nous en serions à peine aperçus. Aujourd’hui, en revanche, nous craignons de nous noyer.
Celui des «investisseurs souverains». Plusieurs pays, hier misérables, aujourd’hui enrichis grâce à la fluidité du système, disposent de quelque 2,5 billions de dollars qu’ils se proposent d’investir dans les meilleures affaires de nos pays occidentaux. Au lieu de nous en réjouir, nous faisons la moue. L’Amérique a refusé ainsi que les Chinois achètent leur compagnie pétrolière Unocal; le français Arcelor a poussé des cris d’orfraie lorsque l’indien Mittal a entrepris de le racheter; la Russie de Poutine empêche les pétrolières occidentales d’investir librement chez elle. Pourtant, quoi de plus naturel, dans un système entièrement fluide, que les flux et les reflux? Celui enfin du «reflux d’inflation». Pour faire simple: la Chine et quelques autres pays sont devenus les usines du monde grâce à une main-d’œuvre surabondante très peu payée.
Aujourd’hui cependant, Chinois, Indiens et autres Vietnamiens ont amélioré un peu leur niveau de vie, font jouer la concurrence entre entreprises, et exigent de moins médiocres salaires. Aussitôt, crac, le sweater que l’on achetait en Europe à 100, se met à coûter 120, en attendant pire. Et comme l’usine mondiale tourne à plein régime, les prix mondiaux des matières premières, du pétrole au zinc en passant par le blé, s’envolent. Nos usines asiatiques adorées nous balancent en pleine figure un reflux d’inflation.
Bref, la mondialisation, quand elle marche sans accrocs, nous sert tous; mais en cas d’accident local grave, elle peut nous «tsunamiser» vite fait – je ne vous dis pas, alors, la panique et les dégâts! Ah! mon Dieu, que nos anciens avaient raison lorsqu’ils nous répétaient: «On ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre», les avantages de la fluidité totale et une protection totale contre la fluidité…
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