Bank Crisis: An Analysis by Jean-Pierre Robin

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Le chroniqueur économique au Figaro pose la question suivante : les États-Unis parviendront-ils à résoudre leur crise bancaire sans nationaliser les pertes ?

Deux cents milliards de dollars d’argent frais promis la semaine dernière et encore autant avant-hier. La banque centrale américaine (Fed) ne mégote pas pour sauver le système bancaire des États-Unis menacé d’implosion, depuis que ses acteurs ne veulent plus prendre le risque de prêter. Il ne s’agit évidemment pas de dons, comme l’opinion publique aurait tendance à le croire en France dès qu’on évoque de telles opérations. Mais ces avances remboursables de liquidités aux banques, et indirectement à l’ensemble des acteurs de la planète finance, produisent le même effet salvateur, tant il est vital pour tout établissement d’équilibrer sa trésorerie quotidiennement. Demain sera un autre jour.

Il s’agit d’une question de survie collective et il ne vient à l’idée de personne de discuter du bien-fondé de la stratégie de Ben Bernanke, surtout pas en Europe. Depuis l’été dernier, le président de la Fed a joué à fond sur les deux registres. Il a réduit massivement le coût de l’argent outre-Atlantique, de 5,25 % à 3 %, et une nouvelle baisse est quasiment programmée pour la semaine prochaine. Par ailleurs, et à plusieurs reprises, Bernanke a allégé les conditions réglementaires d’octroi de ces liquidités.

Les annonces de ces derniers jours visent à passer le cap de la fin mars, qui correspond à la clôture des comptes des entreprises pour le premier trimestre. Elles font écho à des injections d’argent, tout aussi spectaculaires, qui avaient été effectuées fin 2007 pour les bilans annuels. Et dans les deux cas on constate que la Fed travaille en étroite collaboration technique avec ses homologues étrangers, la Banque du Canada et les principales banques centrales d’Europe, dont la BCE. Voilà qui montre qu’en dépit des sensibilités différentes vis-à-vis de l’inflation, on est d’accord sur l’essentiel de part et d’autre de l’Atlantique : «Il faut sauver le soldat américain».

Sans l’avouer ouvertement, chacun a plus ou moins le sentiment que la crise immobilière et bancaire déclenchée l’été dernier pourrait provoquer la récession la plus grave depuis les années 1974-1975, du premier choc pétrolier. C’est par exemple le scénario envisagé par David Rosenberg, l’économiste de Merrill Lynch. L’expert le plus «bearish» (pessimiste) de Wall Street prend pour argument que pour la première fois depuis trente ans les ménages américains sont confrontés à un triple choc simultané : l’envolée du pétrole et des produits alimentaires, la dépréciation de leurs actifs immobiliers et celle de leurs portefeuilles boursiers.

Ben Bernanke vise précisément à empêcher coûte que coûte cette concomitance. Il y est parvenu, au moins en partie, si on en juge par le repli des actions à Wall Street qui reste bien moindre qu’en Europe depuis la fin 2007. Il faut y voir les effets bienfaisants de la forte baisse du prix de l’argent outre-Atlantique alors que l’Europe pratiquait le statu quo. En revanche, le principal danger demeure de voir les propriétaires immobiliers en faillite entraîner dans leur chute les banques qui leur ont fait crédit.

La menace est d’autant plus sérieuse qu’elle va bien au-delà de la profession bancaire stricto sensu. La titrisation des prêts immobiliers, conçue en son temps comme un formidable outil de partage des risques pour les investisseurs, est devenue un vecteur de contagion diabolique. Or ces titres qui servent de support aux banques pour échanger des liquidités entre elles, plus personne ne veut les accepter tant ils suscitent le doute. D’où une crise de trésorerie généralisée qui frappe également les fonds spéculatifs et les fonds d’investissement comme Carlyle.

imaginée par la Fed, la solution est simple dans son principe. Elle s’assimile à une transfusion de sang : on remplace «la mauvaise monnaie», dont plus personne ne veut, par de la «bonne monnaie» totalement irréprochable. La transfusion n’est pas totale, mais elle porte sur des volumes suffisants, espère-t-on, pour faire bouger les lignes. Ainsi la principale mesure annoncée mardi dernier par la Fed vise à accorder aux 28 principales banques américaines des bons du Trésor à court terme autrement dit des liquidités ne présentant aucun risque en échange de titres gagés sur des créances hypothécaires dont la valeur réelle pourrait faire défaut. Il faut bien noter que la Fed se contente de «prendre en pension» ces titres : elle ne les achète pas et ne porte donc pas elle-même le risque de crédit lié à ce papier. Du moins pas encore.

Ces injections de trésorerie suffiront-elles à irriguer le marché interbancaire et en fin du compte à faire repartir la machine du crédit bancaire ? Le pari n’est pas gagné. Certes, la Fed possède une arme ultime pour dégripper la situation. Il s’agirait tout bonnement d’acheter aux banques leurs titres adossés à des créances hypothécaires, ce qui reviendrait à nationaliser les risques de pertes. Une solution «unthinkable» impensable, politiquement s’entend , selon notre confrère Financial Times qui n’hésite pourtant pas à la présenter comme une option possible. Il n’est pas le seul !

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