États-Unis – La vie privée des dirigeants est examinée à la loupe sur la place publique
Le « scandale sexuel », un phénomène récurrent de la vie politique US
Le scandale sexuel, qui a coûté son poste au gouverneur de New York Eliot Spitzer, est le dernier d’une longue liste dans la vie politique américaine, où la vie privée des dirigeants est examinée à la loupe en place publique.
Bill Clinton faillit perdre la présidence en 1998 pour une aventure avec la jeune stagiaire à la Maison-Blanche Monica Lewinsky ; lors de la campagne présidentielle en 1988, le candidat à l’investiture démocrate favori Gary Hart avait dû se retirer de la course à cause d’une relation extraconjugale ; et des dizaines de parlementaires, de gouverneurs ou de chefs d’entreprise sont tombés pour des raisons similaires aux États-Unis.
Imprégnés des valeurs morales du puritanisme, les Américains exigent de leurs politiciens qu’ils soient irréprochables dans leur vie privée. « L’opinion publique attend de ses fonctionnaires des standards moraux très élevés, et si elle ne les obtient pas, elle veut qu’on lui rende des comptes », explique à l’AFP Costas Panagopoulos, professeur de sciences politiques à l’Université Fordham de New York.
Ces trois dernières décennies, une bonne cinquantaine de scandales sexuels ont été dénombrés dans la vie politique américaine et le cabinet de consultants Challenger, Gray et Christmas, basé à Chicago, a compté bien 60 chefs d’entreprise contraints de démissionner pour des raisons liées à leur vie privée.
La révélation du fait qu’Eliot Spitzer était client d’un réseau de prostitution de luxe a déclenché une vague d’indignation nationale et le gouverneur démocrate a tout d’abord tenté d’obtenir le pardon avec la tactique habituelle : le repentir en public. Accompagné de son épouse, mère de ses trois filles, face aux caméras de télévision qui ont transmis son acte de contrition à la nation entière, le « client n° 9 » de l’Emperor’s club VIP a demandé pardon en direct à sa famille et à l’État. Mais la formule qui avait fonctionné, dans le cas de Bill Clinton et d’autres protagonistes de scandales, n’a pas été suffisante dans le cas d’Eliot Spitzer et le gouverneur, menacé de procédure de destitution par les républicains, a démissionné deux jours plus tard.
Spitzer a été suivi par le FBI, qui a enregistré ses conversations privées dans le cadre d’une enquête sur le réseau de prostitution internationale, dont il était secrètement un client assidu. Les autorités ont passé les informations au New York Times, qui a publié la nouvelle et se sont jointes au chœur des médias qui a appelé à la démission à l’unisson.
« Il y a quarante ans, tous les comportements étaient acceptés, il n’y avait pas cette habitude de surveiller les gens, et on acceptait tacitement que les hommes avec du pouvoir se comportent mal », dit Siva Vaidhyanaphan, professeur de journalisme à l’Université de Virginie. La situation a changé et « la police, les journalistes et les adversaires politiques sont à l’affût de tout comportement critiquable des dirigeants, et y parvenir est une victoire dans un monde politique compétitif », estime le professeur.
Bill Clinton a pu terminer son mandat comme président le plus populaire de ces dernières années parce que « les Américains lui ont pardonné sa conduite, parce qu’ils n’y ont pas vu d’hypocrisie et ont trouvé sincère sa contrition », poursuit-il.
John Zogby, qui dirige un institut de sondage, estime aussi que « la raison principale est l’hypocrisie ». « Les électeurs n’aiment pas les gens qui disent une chose et font exactement le contraire », souligne-t-il. « Dans le cas de Spitzer, l’hypocrisie était palpable », poursuit M. Zogby, pour qui en outre le gouverneur « n’était pas en position d’attendre le pardon, puisque lui-même n’avait jamais rien pardonné à personne ».
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