Withdrawal from Iraq: Analysis by Georges Malbrunot

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Cinq ans après avoir vaincu le régime de Saddam Hussein, les États-Unis, faute d’avoir pu stabiliser l’Irak, en sont réduits à négocier leur retrait militaire avec les voisins de Bagdad, y compris leurs pires ennemis iraniens ou à un degré moindre syriens. À Washington, l’affaire n’est bien sûr pas présentée ainsi. Pourtant, ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir les Américains contraints de «régionaliser» l’issue de la crise irakienne, cinq ans après leur marche triomphale sur Bagdad.

Un retrait précipité des troupes américaines aurait des conséquences dramatiques pour le Moyen-Orient. Vainqueur de l’après-guerre, l’Iran exercerait une tutelle sur le sud de l’Irak, ainsi qu’une réelle influence à Bagdad, via ses relais à la direction des factions chiites qui dominent la scène politique depuis 2003. La Turquie, de son côté, ne saurait tolérer davantage de velléités indépendantistes kurdes. Et encore moins que ces derniers mettent la main sur la cité pétrolière de Kirkouk, qu’ils convoitent. Dans un cas comme dans l’autre, l’armée turque marquerait, sur le terrain, les lignes rouges établies par les politiques à Ankara. Quant à l’Arabie saoudite, elle voudrait tout simplement qu’avant de lever le camp, les GI’s tordent le cou à al-Qaida, la mouvance terroriste qui menace sa propre stabilité.

Heureusement pour Washing- ton, le chaos est si profond en Irak qu’aucun pays frontalier n’a envie que les métastases du cancer se propagent chez lui. Cela offre aux Américains une certaine marge de manœuvre, y compris face à l’Iran. En cinq ans, Téhéran a patiemment bâti une capacité de nuisance en Irak, qui en fait un partenaire incontournable dans des négociations sur l’avenir de son ancien ennemi. Mais à Bagdad, Téhéran ne veut surtout pas d’un chaos qui lui échappe complètement. Sa priorité est d’assurer la sécurité et la pérennité de la République islamique. D’où les rencontres régulières avec des représentants américains à Bagdad, dont le dernier round a été reporté, voici une semaine. Les Iraniens reprochent en effet à la CIA d’exploiter son alliance avec les tribus sunnites pour que celles-ci mènent des attaques contre leur territoire.

De leur côté, les Américains accusent les Iraniens d’avoir repris leurs livraisons d’armements aux groupes chiites qui leur sont hostiles. Quelle que soit la réalité de ces blâmes, nul ne doute que les deux ennemis vont reprendre langue. Même si le cadre de ces pourparlers est officiellement circonscrit à l’Irak, il pourrait, le moment venu, s’élargir à d’autres litiges de leur contentieux (nucléaire iranien ou appui au Hezbollah libanais, par exemple).

Avec les autres pays voisins de l’Irak, un dialogue formel se tient dans le cadre des conférences ministérielles consacrées à la sécurité régionale. Au centre des discussions : la coopération syrienne, pour prévenir l’afflux de djihadistes étrangers en Irak. Depuis quelques mois, celle-ci s’est améliorée. Damas n’a pas manqué d’accompagner ces progrès de gestes significatifs : un attaché militaire américain a été invité à la frontière avec l’Irak. Les Syriens ont également autorisé des officiels américains à venir contrôler les demandes de visa déposées par des réfugiés irakiens. Reste à savoir si, en cas de brusque montée de la tension, les États-Unis parviendraient à détacher les Syriens de leurs alliés iraniens. Rien n’est moins sûr, Damas ayant l’habitude de maintenir deux fers au feu.

Avec ses partenaires saoudiens ou jordaniens, le jeu américain est plus aisé. Washington a fini par entendre leurs récriminations sur la place trop faible réservée par le gouvernement irakien à la minorité sunnite. Les États-Unis auront besoin de la coopération de Riyad et d’Amman lorsqu’il faudra redéployer leurs troupes à l’intérieur de l’Irak, voire à ses frontières.

C’est l’autre dossier induit par un début de retrait américain. Washington se doit de négocier avec Bagdad les contours d’un accord stratégique définissant le statut des quelque 50 000 soldats américains qui resteront en Irak, quel que soit le futur président élu en novembre. Hier à Bagdad, les deux camps ont repris ces négociations très sensibles politiquement. Comment garder un tel contingent sur le sol irakien, tout en affirmant qu’il n’y aura plus de bases américaines, comme le répètent Américains et Irakiens ?

Derrière la complexité des dossiers bilatéraux, la maîtrise du pétrole irakien durcit encore la donne. Washington peut-il autoriser les Iraniens à exploiter des champs communs avec l’Irak ? En cas de veto, Téhéran pourrait continuer de faire traîner l’adoption de la loi pétrolière, en discussion depuis plus d’un an au parlement à Bagdad, sans laquelle les majors donc les Américains , ne peuvent opérer en Irak. Une certitude : les États-Unis ne pourront pas quitter l’ancienne Mésopotamie sans avoir verrouillé l’équation pétrolière.

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