Transatlantic Partnership Between EU and U.S.

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Pourquoi l’Europe est-elle absente du discours des candidats à la présidence aux États-Unis ? Le sénateur Clinton se montre incapable de prononcer le nom du président russe nouvellement élu. Le sénateur Obama, bien qu’il préside le comité chargé au Sénat des questions européennes, n’a jamais effectué de visite officielle en Europe. Et le sénateur McCain exhorte l’amitié entre la nation américaine et l’Europe, mais le langage militariste qu’il tient au sujet de l’Irak s’accorde mal avec la vision européenne qui veut que cette guerre soit, selon le mot de Talleyrand, pire qu’un crime une erreur.

Quelle devrait être la politique européenne du prochain président américain ? Les possibilités d’un renouveau sont grandes.Les artisans de l’hostilité européenne à l’égard de l’intervention en Irak, Jacques Chirac et Gerhard Schröder, se sont retirés de lascène politique. Les dirigeants britanniques, français et allemand Gordon Brown, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel revendiquent leur proaméricanisme. Le président Sarkozy se rend à Londres demain en visite d’État officielle. Pourra-t-il définir avec son homologue britannique les bases d’une nouvelle stratégie euroatlantique ?

L’année dernière, l’Union européenne a connu une croissance économique plus forte que celle des États-Unis. La productivité en Europe a aussi augmenté plus rapidement, alors que l’inflation est restée plus basse et que la capitalisation boursière a dépassé celle des États-Unis pour la première fois depuis 1945. Pendant les années Bush, les Américains ont assisté au double déclin de la richesse et de la stature internationale de leur pays, sans précédent dans l’histoire.

Une Amérique mal assurée, isolationniste et protectionniste, n’apporte rien à l’Europe. Pareillement, une Europe qui continue de percevoir l’Amérique à travers le prisme obsolète du gaullisme ou du gauchisme un adversaire ou une menace , ne peut que diviser le monde démocratique, au grand bénéfice des États qui en rejettent le modèle. À l’heure où l’Amérique s’apprête à tourner le dos à Bush, l’Europe saura-t-elle lui proposer d’entrer dans une nouvelle ère des relations euroatlantiques ?

Pour l’Allemagne, cela suppose de devenir une nation clausewitzienne ancrée dans le XXIe siècle : accepter d’imposer une présence qui inclut l’action militaire.

Londres, cela implique que le complexe militaro-industriel, obsédé par l’OTAN, laisse tomber sa suspicion instinctive envers la chose européenne. Le Royaume-Uni doit devenir un interlocuteur in­contournable, non plus un suiveur, en matière de politique européenne de défense et de sécurité.

Pour la France, il s’agit de réintégrer l’OTAN afin de démontrer au monde qu’une Europe militaire plus solide n’est pas anti-OTAN mais peut s’ouvrir au parallélisme et au découplage des rôles.

Les États-Unis se dirigent vers un nouveau paradigme post-Irak, celui d’une alliance euroatlantique des démocraties œuvrant pour la stabilité et la sécurité du monde. Désormais, la question est de savoir si les équipes politiques à Paris, Londres et Berlin peuvent relever le défi. Si le traité de Lisbonne offre de nouvelles potentialités, seul un véritable leadership pourrait réussir à modifier la donne.

On objectera que l’Europe a ses propres problèmes à régler. Les États-Unis souffrent de l’absence d’un système de santé efficace. L’Europe a besoin, quant à elle, d’une politique de croissance crédible, fondée sur le marché et la libre entreprise. L’Europe doit pouvoir affronter les questions soulevées par l’immigration et la démographie, alors que le nombre des naissances ne suffit plus à renouveler les générations. Elle doit prendre conscience des défis que pose l’idéologie islamiste, en opérant une distinction nette entre, d’une part, la religion de l’islam et les musulmans qui pratiquent leur foi et, d’autre part, l’islamisme, cette idéologie réactionnaire revendiquée par les islamistes. Les tenants misogynes, homophobes, liberticides et antidémocratiques de cette idéologie menacent les valeurs européennes. Les mêmes islamistes nourrissent le nouvel antisémitisme qui s’affirme en Europe.

Si les États-Unis viennent de Mars et l’Europe de Vénus, peut-être est-il temps pour le couple de se réconcilier et de donner naissance à une politique fusionnant hard et soft power  ? La paix n’est pas possible sans la sécurité, que ce soit au Proche-Orient, en Colombie, au Pakistan ou encore en Afrique. Entre les nations européennes et nord-américaines membres de l’OTAN et leurs alliés, comme le Japon ou l’Australie, il y a là plus d’un milliard de personnes qui partagent des valeurs communes : État de droit, élections libres, liberté d’expression, droits des femmes, des homosexuels… Plus que jamais, il est temps pour l’Europe, les États-Unis et les autres démocraties du monde, de promouvoir et défendre ces valeurs communes. Cela nécessite de mettre en place une politique de l’endiguement (containment) à la George Kennan, en rejetant la logique de confrontation d’un Donald Rumsfeld. Cela nécessite de faire front commun devant le chantage de Poutine, qui entraîne la Russie dans une voie autoritaire, l’éloignant chaque jour du destin naturel de grande nation européenne qui est le sien. Cela nécessite de s’investir dans une politique keynésienne modernisée fondée sur le libre commerce et la justice sociale. Et cela oblige à repenser notre façon de consommer les ressources énergétiques de la planète.

L’Europe du XXe siècle a vécu ses tragédies le communisme, le fascisme, l’impérialisme raciste, et l’inconcevable Shoah. La nouvelle Europe, celle du siècle qui s’ouvre, s’appuie sur des liens complexes d’interdépendance et d’obligations réciproques définis par le droit conventionnel de l’Union européenne, sur son habileté à répandre le modèle démocratique par une sorte d’osmose, et sur son refus de subordonner les droits sociaux aux droits économiques.

L’Amérique peut tourner la page sur son passé sans se retourner. L’Europe a, comme Janus, un double visage qui regarde simultanément vers le passé et l’avenir, sans bien connaître le présent qu’elle occupe. Elle ne manque pas d’idées, mais de dirigeants capables de persuader les fières nations européennes de se penser en tant que puissance continentale, et non pas seulement comme une agglomération d’entités vaniteuses et rivales. Cela, peut-être le prochain président américain le comprendra-t-il, en enjoignant l’Europe à se montrer confiante et à adhérer à un nouveau partenariat euroatlantique qui pourrait contribuer à apporter la paix, mais aussi un toit, un emploi et des droits pour tous. La manière de le faire devra s’éloigner des méthodes employées par les Européens au siècle dernier et par les Américains depuis le début de ce siècle. Le prochain président américain devra apprendre à parler le langage des Européens, comme certains prédécesseurs, de Truman à Clinton, ont su le faire. Il s’agira du meilleur moyen de restaurer la place des États-Unis dans le monde.

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