The Protectionist Temptation

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Dans toute la gamme des rapports presque intimes que nous entretenons avec les États-Unis, le lien économique, survolté par l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA), est certainement le lien le plus significatif dans la vie de tous les jours pour la majorité des Québécois. Et ce, même si nous en sommes rarement conscients. C’est sans doute pour cette raison – cela ne se voit pas – que nous nous intéressons si peu à ce qui, dans le cadre de l’actuelle course à la présidence, circule chez nos voisins du Sud au sujet des ententes régissant les échanges commerciaux.

Anecdote.

La plus huileuse pelure de banane sur laquelle ait glissé le démocrate Barack Obama est un sous-produit, pour ainsi dire, du débat sur l’ouverture commerciale des frontières. Parler des «petites villes» où les travailleurs mis au chômage trouvent du réconfort dans «les armes à feu, la religion et l’hostilité envers les immigrants» constitue bel et bien une attaque obliquement dirigée contre le libre-échange. (En outre, Obama s’est ainsi aventuré sur un terrain que nous connaissons bien: celui où s’affrontent une opinion urbaine dite éclairée et une grande noirceur de type hérouxvillien)

Quoi qu’il en soit, le fait est que Barack Obama, tout comme Hillary Clinton, remet en question le libre-échange en général, et l’ALENA en particulier – pour sa part, le candidat républicain John McCain est résolument libre-échangiste.

Les deux aspirants à l’investiture démocrate souhaitent renégocier l’accord tripartite unissant les États-Unis, le Canada et le Mexique. Et ils le professent d’autant plus ardemment que le prochain round des primaires aura lieu, mardi, en Pennsylvanie. Cet État a perdu 200 000 emplois dans le secteur manufacturier depuis 2001… en dépit de quoi il revendiquait en 2005 un PIB de 430 milliards, ce qui en ferait la 17e puissance économique au monde s’il était un pays!

Certes, la tentation protectionniste est toujours vivante à Washington, en particulier au Congrès. Et George W. Bush, théoriquement vendu à l’ouverture, a régulièrement tenté de conserver ou d’ériger des barrières dans l’acier, le textile, l’agriculture.

Pourtant, sans même parler de la fuite ayant révélé que le discours d’Obama sur le libre-échange serait strictement électoraliste, personne aux États-Unis ne croit que le futur président, quel qu’il soit, prendra un virage protectionniste. Et ce, en particulier à l’endroit de ses partenaires du Nord et du Sud.

Il y a deux raisons à cela.

D’abord, l’économie américaine (tout comme l’économie canadienne ou mexicaine) dépend de ses échanges avec l’étranger: les États-Unis comptent sur des entrées annuelles de 1600 milliards provenant de l’exportation; le tiers se transige au Canada et au Mexique. En sens inverse, plus ou moins les deux tiers des exportations du Canada et du Mexique vont aux États-Unis.

Ensuite, une réouverture de l’ALENA ne déclencherait pas un processus à sens unique. Ainsi, «si un gouvernement américain faisait l’erreur de rouvrir l’ALENA, bien entendu, nous aurions aussi des choses à négocier», a déjà indiqué le premier ministre Stephen Harper. Le Mexique en ferait autant.

Au total, le discours populiste des candidats à l’investiture démocrate (que le New York Times a comparé à celui du tribun de CNN, Lou Dobbs!) n’est pas sans rappeler celui du Parti libéral du Canada qui, en 1988 et dans une moindre mesure en 1993, promettait de déchirer ou de revoir l’accord signé par le conservateur Brian Mulroney.

Souvenons-nous: l’accord est entré en vigueur le premier janvier 1994…

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