The Resuscitated Carter Becomes a Burden

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Il a été jugé comme l’un des pires présidents de l’histoire. Puis, multipliant les initiatives de paix et empochant le Prix Nobel de la paix en 2002, il a obtenu le titre officieux de «meilleur ex-président» des Etats-Unis. Aujourd’hui, à 83 ans, Jimmy Carter est à nouveau au centre de la polémique. Cette semaine, il s’est recueilli sur la tombe de Yasser Arafat, à Ramallah. Il a rencontré les principaux chefs du Hamas palestinien, dont Khaled Mechaal, en exil en Syrie. Il venait de s’entretenir aussi avec le président syrien Bachar el-Assad. C’en est trop: à cor et à cris, on réclame la peau du vieil homme.

Terrassé par le républicain Ronald Reagan, Jimmy Carter s’était vu obligé de quitter la Maison-Blanche en 1981, au terme d’un unique mandat de quatre ans que les Américains avaient considéré comme désastreux. Il laissait une économie à genoux avec une inflation à deux chiffres. Face à l’Iran, dans la crise des otages, il avait fait preuve d’une «mollesse» et d’une indécision qu’on ne lui pardonnait pas.

A 56 ans, devenu l’un des plus jeunes ex-présidents de l’histoire, Jimmy Carter s’est trouvé bien dépourvu, de retour dans sa petite ville de Plains, 600 habitants, perdue au milieu de la Géorgie. Son parti lui tournait le dos. On ne lui demandait que de disparaître. «De retour à la maison, j’ai réalisé que les tableaux d’espérance de vie me donnaient vingt-cinq ans, expliquera-t-il plus tard. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire pendant vingt-cinq ans supplémentaires?»

Créant à Atlanta la Fondation Carter, l’ex-président refuse pourtant de disparaître. Bible en main et sourire candide aux lèvres, il parcourt le monde pour promouvoir la démocratie, l’aide au développement ou la résolution des conflits. Ses missions le mènent partout: au Panama, au Nicaragua, en Indonésie, en Ethiopie… En 1994, le président Bill Clinton lui redonne une chance: son intervention à Haïti convainc la junte militaire au pouvoir de se ranger et évite une invasion américaine. A Cuba, en 2002, il demande la levée du blocus des Etats-Unis. Déjà, les républicains l’accusent de se courber devant tout ce que la planète compte de dictateurs et de terroristes. Mais même s’il ne fera jamais taire les critiques, le Prix Nobel viendra couronner tant d’efforts.

Ironie: c’est sur le Proche-Orient que ce ressuscité se cassera les dents. C’est pourtant sur ce terrain-là que son succès avait été indéniable. Négociations de camp David, en 1978: Jimmy Carter réunit à la même table l’Egyptien Anouar el-Sadate et l’Israélien Menahem Begin. Depuis lors, la région n’a cessé d’être en flammes. Mais entre ces deux pays, la paix tient toujours.

Jimmy Carter règle-t-il de vieux comptes? Est-il tenaillé par un sentiment d’inachevé? «L’un des principaux buts de ma vie […] a été d’aider à garantir une paix entre les Israéliens et les autres pays du Moyen-Orient», écrit-il en ouverture de son livre publié en 2006. Ce livre, pourtant, déchaînera les passions. Son titre, à lui seul, montre assez de quel côté penche l’ex-président: Palestine. La paix, pas l’apartheid, proclame la couverture où s’entremêlent une photo du mur de béton érigé par les Israéliens en Cisjordanie et l’image d’un Jimmy Carter en vieux sage à l’air soucieux. «J’ai été traité de menteur. J’ai été traité d’antisémite, j’ai été traité de bigot. On m’a accusé de plagiat et d’être un lâche. Si elles peuvent parfois me toucher personnellement, ces accusations n’affectent en rien le caractère factuel et nécessaire de mon livre», se justifiera-t-il.

A la veille de sa tournée au Proche-Orient, des dizaines de parlementaires, républicains et démocrates, ont adressé une lettre à l’ex-président pour le faire changer d’avis. La Maison-Blanche a exprimé ouvertement son courroux. Sur Fox News, la chaîne conservatrice, on réclamait carrément que l’on retire à Jimmy Carter son passeport pour l’empêcher de ressortir du pays. Et en Israël, personne, hormis l’inusable Shimon Peres, n’a daigné rencontrer l’Américain. Contrairement à tous les usages, l’Etat hébreu a même refusé de lui offrir une sécurité rapprochée. Aux yeux des Israéliens aussi, Jimmy Carter pourrait disparaître sans encombre.

Un coup d’épée dans l’eau que cette rencontre avec les dirigeants d’un Hamas proclamé mouvement terroriste par la communauté internationale et traité comme tel? Une initiative absurde et sans lendemain pour celui qui avoue lui-même que sa mission ne revêt pas le moindre caractère officiel? Ce caprice de vieil homme embarrasse pourtant au plus haut point ses amis politiques. Le candidat à l’investiture démocrate Barack Obama mettait en avant «un différend fondamental» avec Carter. Lui qui s’est dit prêt à parler avec les ennemis de l’Amérique assurait ainsi qu’il «ne faut pas négocier avec un groupe terroriste dont l’objectif est de détruire Israël».

De fait, une année électorale est le pire moment pour entreprendre ce genre d’initiatives. Comme le vote des Noirs, celui des femmes ou des travailleurs, le vote des communautés juives est à prendre. Et dans ce contexte, Jimmy Carter, dont le rôle de superdélégué du parti en fait pourtant un personnage important dans la course à l’investiture démocrate, s’est transformé à nouveau en fardeau.

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