Is France Ready For This Kind of Transformation?

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Y a-t-il un engouement en faveur de Barack Obama dans les quartiers populaires ? Jean-Claude Tchicaya. Oui, incontestablement. Plus qu’un engouement, c’est une véritable sympathie. Cela est perçu pas seulement comme un événement américain mais international pour plusieurs raisons. Entre autres, il annonce une rupture avec la politique de Bush, sur le plan national mais surtout mondial.

Qu’est-ce qui intéresse les Français des cités chez ce candidat ?

Jean-Claude Tchicaya. Ils se reconnaissent peu ou prou. Cet homme ressemble à tout le monde, il est noir et blanc, blanc et noir, c’est-à-dire métissé comme nos banlieues, donc notre propre pays. Il peut ressembler à une personne d’origine maghrébine ou indienne. On s’identifie à son parcours personnel : fils d’immigrant qui a connu la monoparentalité, animateur social dans les quartiers défavorisés de Chicago, etc. Il prône une politique dépassant les clivages réels ou supposés, en termes de communauté nationale des États-Unis, mais également de communauté internationale, en permettant à chaque personne d’être reconnue dans toutes ses composantes identitaires sans avoir à renier l’une d’elles. Il est la démonstration de la possibilité d’une mobilité sociale et politique. Obama n’a pas seulement un fort charisme, il est intellectuellement une « pointure », un homme de son temps qui a compris le XXIe siècle. Les jeunes de nos cités projettent sur lui la possibilité d’être à la tête d’un pays, d’un parti, d’une entreprise, de faire partie d’un projet en tant qu’acteur de haut niveau, d’être sujet et non plus objet. Le fait que la plus grande puissance mondiale peut avoir un Noir à sa tête ouvre un immense espoir.

Qu’est-ce qui reflète la réalité française chez Obama ? Que partagent avec lui les banlieues populaires ?

Jean-Claude Tchicaya. Cet événement nous indique le chemin à parcourir dans notre propre pays pour avoir une réelle place, ni subalterne ni annexe, ni alibi, ni électorale ou d’invité. Car le sentiment d’appartenir à la communauté nationale est ici de moins en moins présent. Ce malaise à ne pas se sentir considéré comme Français à part entière conduit parfois jeunes et moins jeunes à se déguiser et se penser ailleurs, en exil. Et chez ceux qui n’ont pas besoin de cela, l’impression de voir ceux des banlieues comme des étrangers est exacerbée. Une intégration stigmatisante fait que les gens eux-mêmes se voient comme étrangers à leur propre pays. Est-ce que ceux qui sont vus comme Français à part entière ont l’envie et le rêve de percevoir ces Français dits des banlieues comme eux-mêmes ?

En quoi Obama incarne-

t-il un espoir historique pour les jeunes Français héritiers de l’immigration ?

Jean-Claude Tchicaya. Au moment où il y avait la ségrégation aux États-Unis, il y avait la colonisation en France. Il y avait l’esclavage en France mais également aux États-Unis. Les effets et conséquences même dans notre société démocratique restent tenaces et constituent encore de vrais freins psychosociologiques forts. Il nous fallait un coup de pouce international. Mais la France est-elle prête à cette mutation historique ?

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