Obama and Us

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Obama et nous

L’Obamania n’est plus tout à fait ce qu’elle était aux Etats-Unis. Le sénateur a toujours des partisans ultra-motivés, mais il est maintenant un candidat à part entière, avec ce que cela comporte d’interrogations et de mises à l’épreuve. Le «phénomène» doit se transformer en président, la «rock star» en commandant en chef. C’est un défi sérieux, et il n’est pas encore gagné.

En France, en revanche, Obama est déjà élu. Un sondage réalisé fin mai pour le Daily Telegraph a exprimé un plébiscite, avec 65% d’opinions en sa faveur, contre 8% à John McCain. Pourquoi un tel écart ? Le choix par les Américains d’un candidat plutôt qu’un autre aurait-il un tel impact sur nos vies ?

Évidemment, sur l’économie mondiale comme sur la sécurité internationale, les décisions prises aux Etats-Unis font sentir leurs effets dans le reste du monde. Mais on peut difficilement préjuger du cours que prendra la prochaine présidence. George W. Bush avait fait campagne en 2000 sur une prudence proche de l’isolationnisme, et puis il y a eu le 11 Septembre…

Même s’il n’est guère douteux que son successeur sera en mesure de redorer le blason international de l’Amérique, ce n’est pas notre intérêt égoïste qui peut expliquer l’Obamania française. John McCain, nourri de l’expérience de la Guerre froide, a sans doute une conception plus classique des relations transatlantiques. D’après ses conseillers en politique étrangère, il serait moins exigeant avec l’Europe, parce que sans illusions sur ses capacités d’action.

Il pourrait en aller autrement avec Obama. Cédant aux tentations protectionnistes de la gauche, il se montre déjà plus réservé sur le libre-échange. Avec sa promesse de rapatrier les troupes d’Irak en seize mois viendront de nouveaux défis sécuritaires auxquels il compte associer les alliés. Plus proche des positions européennes sur les dossiers iranien ou israélo-palestinien, ouvert au dialogue avec Cuba et d’autres Etats «parias» de l’administration Bush, il n’est pas moins à la merci d’événements qui pourraient imposer un durcissement de la politique étrangère américaine.

Alors pourquoi votons-nous Obama ? D’abord, le centre de gravité politique se situe plus à gauche en France qu’aux Etats-Unis, ce qui fait d’un démocrate ici un homme du centre-droit chez nous. Opposé à l’avortement, partisan de la peine de mort, John McCain est davantage perçu à l’étranger comme un conservateur qu’un «franc-tireur». En comparaison, Barack Obama, à cause de ses origines métissées et de ses attaches internationales, passe pour un «homme global», capable de comprendre l’expérience des autres peuples.

Mais, au fond, à l’acrimonie générée par l’Amérique de Bush répond le désir de l’idéaliser à nouveau. Et, pour cela, il faut qu’elle soit capable de faire ce que n’attendrions pas de nous-mêmes. Les Français éliraient-ils un président de couleur et fils d’immigré ? «Non», ont répondu récemment les participants d’un colloque à l’Institut d’études politiques. C’est d’ailleurs ce qui nous fait douter de sa capacité de l’emporter face à McCain.

Nous comptons que l’Amérique soit meilleure que nous. Nous voulons qu’elle tire les leçons de siècles de guerre en Europe en n’envahissant pas l’Irak pour de mauvaises raisons. Nous ne supportons pas qu’elle commette des entorses aux droits de l’Homme au nom de la lutte antiterroriste. Nous exigeons qu’elle montre l’exemple dans la lutte contre le réchauffement climatique. Quel est le dernier sujet sur lequel nous avons pensé que les Américains avaient raison et que nous avions tort ?

Si Barack Obama est battu en novembre, ce sera peut-être en raison de son caractère, de sa campagne ou de son programme. Mais, pour beaucoup de Français, ce sera la confirmation de leurs pires soupçons sur un pays qui n’est jamais tout à fait à la hauteur de l’idéal qu’ils en ont.

Cela en dit plus long sur nous que sur les Américains.

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