The McCain Enigma

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Le contexte électoral aux Etats-Unis a rarement été aussi défavorable aux républicains. « Quand l’économie va mal, le pouvoir change de mains presque à chaque fois. Ce fut le cas pour Truman, Carter et Bush père », souligne le Pr. Terry Madonna au Franklin & Marshall College de Lancaster (Pennsylvanie). Cette année, plus de 80% des Américains pensent que le pays va mal. « Ajoutez-y une guerre impopulaire en Irak, dit le Pr. Madonna, et l’on voit que les républicains ont un sérieux problème. »

John McCain est le premier à le reconnaître. « Je ne suis pas le favori. Vu notre problème d’image au Parti républicain, je suis même surpris que l’écart dans les sondages ne soit pas plus grand », a-t-il reconnu début juin sur ABC. Un courriel adressé récemment aux contributeurs conservateurs était titré : « Les démocrates remportent une victoire écrasante. » « Je crains vraiment que ce soit le titre des journaux au lendemain de l’élection de novembre », y écrit l’ancien sénateur Bill Frist.

Malgré l’ampleur du défi, le sénateur de l’Arizona mène une drôle de campagne. Pas de slogan clair, même celui du « bon changement » semble avoir fait long feu. Une stratégie à géométrie variable qui ferait perdre le nord à ses plus fidèles partisans. Entre la volonté de se démarquer de George Bush et le désir de ratisser large, il a changé plusieurs fois de positions et s’expose à une accusation particulièrement problématique, qui fut fatale à John Kerry en 2004 : celle d’être une girouette.

Un public déboussolé

Après s’être opposé à la prospection pétrolière en Alaska au nom de l’environnement, il vient de se prononcer pour la levée d’un moratoire vieux de 27 ans sur les forages off-shore. Après avoir dénoncé le traitement des prisonniers à Guantanamo, il vient de condamner la décision de la Cour suprême qui leur donne le droit de contester leur détention. Il a changé d’avis sur les baisses d’impôts octroyées par Bush, sur les comptes d’épargne-retraite privés, sur une voie de légalisation pour les immigrés clandestins…

« La trajectoire de McCain a plus de zigzags qu’une Macarena, ironise Dana Milbank dans le Washington Post : un glissement à droite sur les juges et les armes, un bond à gauche sur le changement climatique et les alliances étrangères, un pivotement à droite sur les impôts et l’Irak. »

La forme n’est guère plus lisible que le fond. Sur les podiums, la voix du candidat septuagénaire est souvent faible, son style somnolent. En ponctuant chacune de ses phrases d’un « Mes amis » censé rappeler Ronald Reagan, il joue la carte de la « conversation au coin du feu ». Mais le contraste n’est que plus grand avec son rival, quadragénaire athlétique dont la rhétorique électrise ses supporteurs.

John McCain a proposé à Barack Obama une série de dix face-à-face sans modérateur, seuls devant le public. Une offre audacieuse pour un homme qui pourrait pâtir de la comparaison. Le camp démocrate n’en a accepté que cinq, et le républicain a refusé de transiger, dénonçant une manœuvre « d’esquive » qui, du coup, semble autant de son fait.

Tout en promettant une campagne sans attaques personnelles, il traite de haut le sénateur de l’Illinois, avec des formules du style : « Pour un jeune homme sans véritable expérience, il se débrouille pas mal. » Ses supplétifs laissent courir des rumeurs malveillantes sur Obama et sur sa femme Michelle, au point que la campagne démocrate a dû lancer un site Internet voué à les contredire, FightTheSmears.

Résultat, les sondages montrent un public déboussolé. D’après CBS, 43% pensent que McCain poursuivra les politiques de Bush, 21% qu’il sera plus conservateur et 28% qu’il sera plus modéré. Selon Gallup, il est dominé par Obama auprès des femmes, majoritaires dans le pays (38% contre 51%), et ne l’emporte que de peu dans l’électorat religieux (47%, contre 42%).

« McCain est peut-être le seul candidat de son parti à avoir une chance respectable de gagner » cette année, analyse The Economist. Le vieux soldat est souvent à son meilleur lorsqu’il a le dos au mur. Mais il aurait intérêt à se réveiller bientôt.

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