En voilà que la victoire de Barack Obama aux primaires démocrates n’impressionne pas outre mesure. Ils sont ravis, saluent bien l’extraordinaire moment historique. “Si cela peut réparer les torts causés par l’esclavage et le tort fait en Irak”, espère Charles Chamberlain, du mouvement Democracy for America. Mais ils ont déjà passé l’étape de l’émerveillement devant “l’idée d’Obama”.
Barack Obama a été un de leurs premiers poulains, en 2004, avant même le fameux discours qui l’a fait connaître à la classe politique. Pour gagner les primaires démocrates dans l’Illinois et se présenter au Sénat, il avait besoin de relais militants. Democracy for America l’a aidé. Sa photo figure dans le couloir de l’association, parmi celles des 550 autres candidats qu’ils ont soutenus depuis 2004. “Bien sûr, on se vante à propos de Barack Obama. Mais il n’est pas unique. On en connaît d’autres comme lui”, assure Daniel Medress, le responsable de la communication.
Au-delà de la campagne présidentielle, les membres de Democracy for America travaillent à ranimer le militantisme de base. Encourager “une culture de militants plutôt que de sortants”. D’ailleurs, on ne les trouve pas à Washington, mais à Burlington, dans le Vermont, entre lac et sapins.
Ils sont aux avant-postes de la réforme du Parti démocrate et ils n’ont pas été pour rien dans la chute de la maison Clinton. Leurs bêtes noires : les centristes, qu’ils appellent les “Bush Democrats”, la “triangulation” (façon Bill Clinton) et les élus qui ne tiennent pas leurs promesses. “Pour certains démocrates, c’est comme si rien ne s’était produit aux élections de 2006, dit Arshad Hasan, le directeur exécutif. Ils continuent à donner à Bush tout ce qu’il veut.”
Mal leur en prend. Le standard de Harry Reid, le chef de file démocrate au Sénat, a été pris d’assaut il y a quelques semaines jusqu’à ce qu’il enterre le projet de loi sur les écoutes téléphoniques présenté par George Bush. La dernière campagne de Democracy for America vise Joe Lieberman, ex-démocrate et désormais acolyte du candidat républicain, John McCain. Si nécessaire, DFA n’hésite pas à susciter des candidatures alternatives quand le candidat désigné par le parti est trop mou, ou trop proche des lobbies, comme “celui du Nouveau-Mexique qui est à moitié financé par l’industrie pétrolière”.
Democracy for America a d’abord été le mouvement d’Howard Dean, le candidat malheureux à l’investiture démocrate en 2004. Ancien gouverneur du Vermont, résolument hostile à la guerre en Irak, M. Dean avait été le premier à utiliser l’Internet pour récolter des fonds sur une grande échelle (au dernier trimestre 2003, il avait recueilli 15millions de dollars : la presse avait alors parlé de “révolution”).
700 000 MEMBRES DANS 50 ETATS
Après l’échec de novembre, Howard Dean a réussi à s’installer à la tête du parti, grâce au soutien de sa jeune garde. C’est son frère, Jim Dean, qui a repris Democracy for America. Tous les deux ont pour objectif d’asseoir le parti dans les 50 Etats, au lieu de considérer que les endroits fortement républicains sont perdus d’avance et que rien ne sert d’y dépenser de l’argent. Après les primaires, Barack Obama a aussi adopté cette stratégie tous azimuts. “Obama poursuit le travail qui avait été entrepris par Howard Dean, notamment en amenant de nouveaux votants dans le processus électoral”, dit Arshad Hasan. Democracy for America compte maintenant 700 000 membres et 850 groupes, répartis dans les 50 Etats.
En quatre ans, le mouvement a formé 16 000 futurs élus ou directeurs de campagne lors de week-ends de “candidature clés en main”. Pour 60 dollars, les intéressés bénéficient des conseils de consultants nationaux que les campagnes paient habituellement très cher. “On a beaucoup parlé du fait que la campagne de Barack Obama est très bien organisée, mais il se trouve aussi que les activistes sont beaucoup plus malins et expérimentés, explique Jim Dean. En 2003, je me souviens de discussions d’une demi-heure pour savoir si on devait former un comité d’action politique pour faire 100 photocopies !”
Jim Dean et ses amis pensent déjà à l’après-élection. Ils savent qu’à Washington les élus sont des proies faciles pour les lobbies. “Tous les nouveaux le racontent : dès leur premier jour, ils ont rencontré un lobbyiste qui leur a tendu une carte de visite en leur disant : je veux organiser une réunion de collecte de fonds pour vous!” Democracy for America veut mettre en place un “système de soutien” qui montre aux élus qu’ils “n’ont plus besoin d’écouter” les lobbyistes. Jim Dean prévoit que la bataille sera rude. “La couverture médicale pour tous, ça ne va pas être facile. On ne pourra pas se contenter d’envoyer des e-mails au Congrès. Il va falloir qu’on se montre là-bas.” Sur la guerre en Irak, il prévoit aussi qu’il faudra “pousser les élus à prendre des risques et à dire : ça suffit. On s’en va. On ramène les troupes à la maison”. A cinq mois des élections, les citoyens-lobbyistes se préparent déjà à envahir Washington.
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