Obama and McCain Court the Spanish Vote

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Les deux candidats tentent de séduire la première minorité du pays, dont la forte croissance démographique en fait un enjeu majeur de la présidentielle.

John McCain se croit en terrain ami. «Je viens d’un État frontalier où l’on parlait l’espagnol avant l’anglais, je connais les sujets qui vous préoccupent», dit le sénateur de l’Arizona aux centaines d’élus d’origine hispanique rassemblés le week-end dernier à Washington. Barack Obama, qui lui succède à la tribune de l’Association nationale des élus latinos (Naleo), se présente en conquérant : «Cette élection peut dépendre du nombre de Latinos qui iront voter, souligne le sénateur de l’Illinois. Nous devons bâtir une coalition et votre communauté y occupe une place centrale. Nous allons changer la carte politique de ce pays.»

Respectueusement applaudi, malgré plusieurs interruptions du mouvement antiguerre Code Pink, John McCain est déjà reparti quand la salle fait une ovation à son rival démocrate. «Obama parle notre langage, explique Myrna Maldonado, conseillère municipale d’une petite ville de l’Indiana. Il est progressiste sur les questions sociales tout en défendant les valeurs familiales. McCain est un héros de guerre qui mérite notre respect, mais je suis en désaccord avec presque tout ce qu’il dit.»

C’est l’un des enjeux majeurs de l’élection présidentielle à venir. Avec plus de 45 millions de membres (15 % de la population), les communautés d’origine latino-américaine constituent le deuxième groupe ethnique aux États-Unis, derrière la majorité blanche (66 %) et devant les Afro-Américains (12 %). Plus jeunes que la moyenne nationale (27 ans contre 38), les Latinos affichent aussi le plus fort taux de croissance du pays (3,4 %, contre 1 %). Ils représentent désormais 44 % de la population au Nouveau-Mexique, 36 % en Californie et au Texas, 30 % en Arizona et au Nevada, 20 % en Floride. «La route de la Maison-Blanche passe par la communauté latino», tranche Adolfo Carrion, président de Naleo.

Les illégaux, «enfants de Dieu»

Jusqu’ici, cette force reste sous-représentée dans les urnes, faute d’avoir l’âge de voter (18 ans), d’être en situation légale (12 millions de clandestins estimés) ou simplement de s’inscrire sur les listes électorales. Barack Obama a fait de l’augmentation de la participation des Latinos l’une des pierres angulaires de sa stratégie. Le calcul, explique un de ses conseillers dans les coulisses du forum, «est de porter le vote hispanique à 8 % ou 9 % de l’électorat total», pour compenser la majorité traditionnellement républicaine de l’électorat blanc.

En 2004, le vote hispanique avait plafonné à 6,5 %. George W. Bush en avait recueilli 40 %, un record pour un républicain. Cette année, 57 % des Latinos penchent du côté des démocrates, d’après un sondage du Pew Research Center.

Durant les primaires, Hillary Clinton a largement dominé Barack Obama auprès de ce segment de l’électorat. Le candidat démocrate mène donc une offensive de charme pour rallier ceux dont il est le «second choix». «L’Amérique n’a rien à craindre des immigrants d’aujourd’hui, dit-il. Ils viennent pour les mêmes raisons que ceux d’hier : bâtir une vie meilleure pour leurs enfants.»

Il accuse McCain d’avoir «tourné le dos à sa propre proposition de loi sur l’immigration» parce que l’idée d’offrir une voie de légalisation aux clandestins n’était pas populaire chez les républicains. Le sénateur de l’Arizona concède son changement de position : les 12 millions d’illégaux «sont les enfants de Dieu, dit-il, mais nous ne pourrons pas faire accepter une réforme de l’immigration si nous ne sécurisons pas d’abord la frontière .» «Nous pouvons être à la fois une nation de droit et une nation d’immigrants», réplique Obama.

Tandis que le sénateur de l’Arizona joue la carte du sentiment («les soldats d’origine hispanique sont mes frères»), son collègue de l’Illinois énumère les réponses concrètes aux problèmes de la communauté. Un Latino sur trois sans assurance-maladie, un taux de chômage (6,9 %) supérieur à la moyenne, aggravé par la crise du bâtiment, un niveau de scolarisation plus faible que le reste de la population, une surreprésentation dans l’armée, tout particulièrement en Irak (17,5 % des troupes au front). «Obama fait le lien entre les dossiers et nous montre qu’il a une vision globale», dit Myrna Maldonado. À la sortie, ses partisans distribuent un fascicule de 47 pages spécialement dédié à l’électorat hispanique. La méthode semble fonctionner : selon les sondages, entre 66 % et 72 % des hispaniques le préfèrent à John McCain, qui stagne entre 21 % et 29 %.

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