George Bush's Conversion

<--

Les amis néoconservateurs de George Bush sont furieux. Leur champion se serait laissé convertir au réalisme diplomatique. Le prétexte de leur courroux est la participation, la semaine dernière, du sous-secrétaire d’Etat William Burns à la rencontre avec le négociateur iranien sur le nucléaire. Le Weekly Standard, qui est leur véhicule d’expression favori, a beau jeu de rappeler les nombreuses déclarations péremptoires du président lui-même et de ses collaborateurs hostiles à toute négociation aussi longtemps que Téhéran n’aura pas suspendu son programme d’enrichissement de l’uranium. M. Bush n’aurait donc pas tenu son engagement. Ce qui inquiète les néoconservateurs, c’est que le président serait un récidiviste. Il y a quelques mois, il posait des conditions drastiques à des négociations avec la Corée du Nord, toujours à propos du nucléaire, et il les aurait abandonnées sans véritable contrepartie.

Les quelques émules que ce groupe, en sérieuse perte de vitesse à Washington, a encore au département d’Etat partageraient l’avis du Weekly Standard, si on en croit un haut fonctionnaire cité par l’hebdomadaire : ce n’est plus la guerre préventive, mais “la capitulation préventive”, aurait déclaré ce diplomate anonyme. George Bush, qui se présente en chrétien “born again” (né à la nouvelle vie), aurait-il accompli une nouvelle conversion ? Telle est en effet la question que pose la présence de William Burns à Genève avec le représentant iranien. La réponse n’est pas claire.

M. Bush a commencé en politique étrangère dans le camp des “réalistes”, qui reprochaient à son prédécesseur, le démocrate Bill Clinton, d’avoir lancé les Etats-Unis dans des opérations militaires inconsidérées. Notamment des missions visant à imposer la paix dans les Balkans. “Les marines n’ont pas été formés pour aider les enfants des écoles à traverser la rue”, disait en 2000 Condoleezza Rice, qui avait été placée, avec quelques autres, auprès du candidat républicain pour lui apprendre les rudiments de la politique étrangère. Les attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué la conversion du président aux thèses des néoconservateurs. Comme quoi George Bush pourrait dire, comme l’ancien premier ministre britannique Harold Macmillan interrogé sur ce qui avait déterminé sa politique, “events, boys, events” (“les événements, les enfants, les événements”).

Mme Rice, qui est devenue ensuite chef du Conseil national de sécurité puis secrétaire d’Etat, est considérée par ses détracteurs comme la principale responsable du virage “réaliste” du président, si virage il y a. Pendant la présidence de Bush père, elle a été à l’école de Brent Scowcroft, un proche d’Henry Kissinger, connu pour son allergie au romantisme internationaliste des promoteurs autoproclamés de la démocratie.

La nouvelle conversion de George Bush peut cependant faire long feu. D’autant que l’évidente absence de bonne volonté de la part des Iraniens, lors du dernier round de pourparlers, ne devrait inciter ni les Occidentaux, ni les Russes, ni peut-être même les Chinois, à abandonner le chemin des sanctions contre Téhéran.

On peut d’ailleurs se demander si, en faisant une entorse à ses principes, le président américain n’a pas cherché à souligner la naïveté des partisans d’une approche diplomatique du problème iranien. Ayant fait cette démonstration, il aurait les mains libres pour envisager d’autres moyens, sans encourir le reproche de ne pas avoir tout tenté par la voie pacifique. M. Bush aimerait sans doute ne pas léguer à son successeur la question iranienne dans son état actuel. Mais rien ne dit par quelles méthodes il entend la régler.

About this publication