Wal-Mart fourbit ses armes contre Obama
Barack Obama s’est souvent érigé en pourfendeur de la firme, accusée d’avoir contribué à la précarisation du travail aux Etats-Unis.
Le premier distributeur mondial fait comprendre à ses cadres qu’il vaudrait mieux ne pas voter pour le candidat démocrate. La firme redoute qu’une fois élu, il œuvre au renforcement du pouvoir syndical.
Quand le plus gros employeur du pays met son grain de sel dans la campagne présidentielle américaine, il est difficile de faire comme si de rien n’était. Alors quand cette même firme Wal-Mart 1.5 millions d’employés et 2.3% du PNB des Etats-Unis, fait comprendre à ses cadres qu’il vaudrait mieux ne pas voter pour le candidat démocrate, Barack Obama, l’affaire peut commencer à inquiéter le Parti de l’Âne.
Selon le Wall Street Journal de vendredi, le spécialiste du discount, décrié pour sa politique de très bas salaires et pour l’absence totale de représentation syndicale, a en effet organisé plusieurs réunions internes à caractère obligatoire, afin de les mettre en garde contre une éventuelle victoire du candidat démocrate, en novembre.
Le quotidien économique a recueilli les témoignages d’une douzaine de salariés de cette firme originaire de l’Arkansas, ayant assisté à ces réunions organisées dans sept Etats différents. Selon eux, le cœur du discours du distributeur porte sur la probable adoption, en cas d’élection du sénateur de l’Illinois, d’un projet de loi baptisé Employee Free Choice Act (EFCA), et facilitant l’implantation syndicale en entreprise.
«L’animateur de la réunion a expliqué : je ne vous dis pas pour qui voter, mais si les démocrates gagnent, cette loi va passer et vous n’aurez pas votre mot à dire sur la question syndicale», a rapporté au WSJ une employée cadre d’un des 3.500 supermarchés, situé dans le Missouri. «Je ne suis pas stupide, ils me disaient pour qui je devais voter», a-t-elle estimé.
«Si quiconque représentant Wal-Mart a donné l’impression que nous disions à nos associés comment voter, ils ont eu tort et l’ont fait sans autorisation», a répliqué David Tovar, porte-parole de Wal-Mart, interrogé par le quotidien.
L’action collective inexistante chez Wal-Mart
Depuis la création de son premier supermarché en 1962, Wal-Mart, a «veillé tout particulièrement à étouffer dans l’œuf toute action collective impliquant des salariés», comme l’explique Jean-Christian Vinel, maître de conférences à Paris-VII Denis Diderot*.
Forte de 1.5 millions d’employés, l’entreprise Wal-Mart représente à elle seule 2.3% du PNB des Etats-Unis. (AP)
Or, le projet de loi EFCA présenté en 2003 prévoit d’augmenter les pénalités en cas de violations du droit du travail, et de faciliter l’implantation et l’adhésion à des syndicats. Voté par la Chambre des représentants, puis bloqué au Sénat et menacé d’un veto présidentiel, il aurait de grandes chances de passer sous une présidence démocrate. Barack Obama l’a en effet soutenu et indiqué qu’il le signerait s’il lui était présenté, une fois président. Son adversaire républicain John McCain s’y est, en revanche, déclaré opposé.
Mais la relation entre Wal-Mart et Barack Obama ne se limite pas à cet ultime épisode. Par le passé, le sénateur de l’Illinois s’est souvent érigé en pourfendeur de la firme, accusée d’avoir contribué à la précarisation du travail aux Etats-Unis.
En novembre 2007, peu avant son annonce de candidature, le sénateur avait répondu à l’appel du comité de défense des salariés, wakeupwalmart.com, et déclaré : «Livrer bataille à Wal-Mart et les forcer à revoir leurs valeurs et leur politique d’entreprise est absolument vital pour l’Amérique aujourd’hui».
Pendant la campagne des primaires démocrates, il avait également reproché à sa rivale Hillary Clinton d’avoir été membre du conseil d’administration de l’entreprise, entre 1986 et 1992.
Un pro-Wal-Mart dans l’équipe Obama
Pour autant, malgré son opposition revendiquée aux méthodes de Wal-Mart, l’attitude du sénateur face à la firme n’est pas toujours très claire. Sa femme, Michelle, a siégé pendant plus de deux ans au conseil d’administration de Treehouse Foods, un gros fournisseur de Wal-Mart, avant de démissionner sous le feu des critiques, en mai dernier.
Quant au candidat lui-même, il a recruté en juin un certain Jason Furman comme conseiller économique en chef, dans son équipe de campagne. Or, cet économiste de 37 ans, bête noire du milieu des travailleurs, avait fait parler de lui en 2005 après avoir commis un texte, particulièrement favorable à la firme, intitulé «Wal-Mart : a progressive success story». Ce qui avait d’ailleurs provoqué la colère des syndicats et des mouvements de salariés.
De même, l’attitude de Wal-Mart n’est pas non plus limpide face aux démocrates, comme le remarque le directeur de Harper’s Magazine, John R. MacArthur**. «Après avoir longtemps gâté les républicains, allouant 85% de ses donations aux candidats fédéraux du parti de George Bush, le roi des hypermarchands sent le vent tourner et décide, à partir de février 2004, de chouchouter le parti démocrate. En janvier 2008, les versements de Wal-Mart aux parlementaires démocrates représentaient 43% de leurs donations totales un bel exemple de realpolitik.»
* in l’ouvrage collectif, «Les conservateurs américains se mobilisent» (Autrement, 2008)
** in «Une caste américaine» (Les Arènes, 2008)
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