Entre le jeune démocrate Barack Obama (44 ans) et le vieux républicain John McCain (77 ans), la partie est loin dêtre jouée.
Il est vrai que les Américains en ont marre de George Bush. En matière de promesse de changement, le charismatique sénateur de lIllinois a quelques longueurs davance. Il attire les foules en Europe, séduit lopinion publique étrangère, fait revivre, le temps de discours flamboyants, une Amérique grande et généreuse.
Mais ce nest pas cette Amérique-là qui ira aux urnes le 4 novembre prochain. LAmérique réelle est morose, endettée, inquiète, de plus en plus religieuse et en panne dessence. Cette Amérique-là pourrait trouver plus rassurante la chevelure blanche de John McCain !
Sans compter quelle na pas fini même si on le souhaiterait de digérer sa question raciale. Dans de nombreux États (chez nos voisins des Appalaches, par exemple), Obama ne fait pas recette. Comme lécrivait récemment un journaliste du quotidien britannique The Observer, ce grand mulâtre né au Kenya nest pas « lun des leurs ». Même des gens qui jusque-là ont toujours soutenu les démocrates admettent quils ne voteront pas pour lui. Une éditrice noire de Caroline du Nord me disait récemment quils auraient élu une femme avant délire un Noir ! À chacun son « nous ».
John McCain a beau être septuagénaire et noffrir quun bien faible espoir de changement, à leurs yeux, il est un membre de la tribu. Conséquemment, plus digne de confiance.
Il ne faut pas sous-estimer létat de morosité des Américains. Leur dollar senfonce par rapport à leuro. La hausse du prix du pétrole frappe durement leur mode de vie. Belles autoroutes et belles banlieues riment mal avec pétrole coûteux. La valeur des maisons est en baisse. Le coût des aliments est en hausse. Le déficit du pays bat un record, alourdi par linterminable guerre irakienne. Les États-Uniens nont pas besoin de lire le best-seller de Fareed Zakaria The Post-American World (Kindle Edition) pour conclure que leur génération est la dernière à connaître « la grandeur de lAmérique ». (Conclusion discutable, mais bon, ils ont loptimisme dans les talons.)
Quatre Américains sur cinq estiment quil est plus difficile aujourdhui quil y a cinq ans de préserver le niveau de vie de la classe moyenne. Ils blâment tout et rien. Les délocalisations, la montée de la Chine et de lInde, les immigrants clandestins, le libre-échange. Ils oublient souvent dautres raisons : un trop grand nombre de leurs travailleurs sont en mauvaise santé ; leur réseau public déducation a pris du retard sur celui de lEurope ; leur société, étouffée par son obsession de sécurité, est moins libre et moins innovante quavant.
À défaut dun revirement, cest dans cet état desprit quils iront aux urnes le 4 novembre prochain. Grognons. Inquiets. Préoccupés par le piètre état de leur économie.
John McCain, ex-héros de la guerre du Viêt Nam, a déjà dit en souriant quil ne connaissait pas grand-chose à léconomie, mais quil saurait sentourer. Ses politiques sont très proches de celles de George Bush (moins dimpôts, plus de libre entreprise, plus de privé dans les soins de santé). McCain est un libre-échangiste passionné (ce qui réjouira les entreprises canadiennes), plus écolo que George Bush. Il est en faveur dun plafond démissions de gaz à effet de serre, tout comme lest Barack Obama. Lun comme lautre devrait toutefois en convaincre le Congrès américain. Ce même Congrès, contrôlé par les démocrates, qui a récemment refusé dadopter un plan de lutte contre les changements climatiques !
Changement, vous dites ? Oui, on peut en rêver. Mais lAmérique est un fichu gros cargo. Qui ne tourne pas si rapidement que ça.
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