Candidates Manipulate the Financial Crisis

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Les candidats manœuvrent autour de la crise

De notre correspondant à Washington Philippe Gélie

25/09/2008 | Mise à jour : 23:52 | .

Barack Obama et John McCain ont rédigé un communiqué commun, exprimant leur soutien à une action résolue du gouvernement fédéral pour juguler la crise financière. Crédits photo : AFP et AP

McCain a fait planer le suspense sur sa participation au premier débat présidentiel, mais il peut difficilement esquiver le défi lancé par Obama.

Le dernier contre-pied de John McCain a peut-être ignoré une loi élémentaire de la politique américaine : on ne se hisse pas au-dessus de la mêlée en se défilant à l’examen de l’opinion publique.

Après avoir annoncé mercredi qu’il «suspendait» sa campagne pour cause de crise financière majeure, le candidat républicain l’a tout au plus transposée à Washington. Il était attendu jeudi en milieu d’après-midi à la Maison-Blanche, en compagnie de son rival démocrate, Barack Obama, et des leaders parlementaires des deux partis, pour discuter du plan de sauvetage de l’administration. George W. Bush leur avait lancé l’invitation la veille au soir lors d’une adresse officielle à la nation. Obama, d’abord réticent à participer à ce théâtre politique, s’est trouvé contraint d’accepter. Il a en revanche refusé de reporter le premier débat télévisé entre les deux candidats prévu ce soir dans le Mississippi (samedi à 3 heures du matin, heure française), lançant à McCain un défi difficile à esquiver.

La manœuvre du républicain avait pour but de rehausser sa stature présidentielle, en le présentant comme un patriote qui se mobilise toutes affaires cessantes lorsque la nation est en péril. En réalité, elle a été presque unanimement perçue comme une gesticulation électorale, motivée par son recul dans les sondages. McCain avait lui-même téléphoné à Bush pour lui demander d’organiser la réunion de jeudi. Le président lui a fait cette grâce sans précédent, adoubant au passage les deux candidats à sa succession comme les vrais patrons des partis démocrate et républicain, à son propre détriment dans le second cas.

«Risque d’une catastrophe»

Pourtant, dès mercredi soir, plusieurs négociateurs au Congrès s’estimaient «proches d’un accord». Tandis que les républicains soutenaient l’intervention de McCain, les démocrates redoutaient une «distraction» susceptible de leur compliquer la tâche. «Nous n’avons nul besoin d’injecter de la politique présidentielle dans ce processus qui concerne l’avenir du pays, estimait Harry Reid, le chef de la majorité démocrate au Sénat. Nous avons besoin de responsabilité, pas de poser pour une photo.» Il semblait douteux que les deux candidats participent à la discussion au Capitole, leur rôle se limitant à adouber le résultat espéré au moment de la rencontre avec le président. Jeudi, quelques heures avant le rendez-vous à la Maison-Blanche, les parlementaires faisaient état d’un accord de principe.

Obama avait pris l’initiative en proposant à son adversaire de rédiger un communiqué commun, exprimant leur soutien à une action résolue du gouvernement fédéral, moyennant conditions. «Le plan soumis au Congrès a des défauts, mais l’effort pour protéger l’Amérique ne peut échouer, stipule leur texte publié mercredi soir. Nous ne pouvons prendre le risque d’une catastrophe économique.» Lors d’interventions séparées jeudi à New York, l’un et l’autre ont réitéré leurs exigences de supervision, de transparence, de limitation des indemnités accordées aux dirigeants des entreprises en faillite et d’un «retour sur investissement» pour les contribuables.

Obama n’a pas été le seul surpris par le coup de poker de McCain proposant de reporter le débat prévu ce soir. Dans son éditorial, le Wall Street Journal se disait jeudi «mystifié». Le Washington Post dénonçait «une posture» trahissant «son impulsivité». Le démocrate a eu beau jeu d’ironiser sur «la capacité attendue des présidents de faire plus d’une chose à la fois. Nous avons de gros avions de campagne qui peuvent nous amener rapidement dans le Mississippi, a-t-il plaidé. Le moment est particulièrement bien choisi pour que les Américains entendent celui qui, dans une quarantaine de jours, devra s’attaquer à cette pagaille.» La commission des débats présidentiels lui a donné raison, excluant un délai. L’université du Mississippi a affirmé n’avoir reçu «notification d’aucun changement».

L’entourage de McCain a indiqué qu’il y aurait un débat en cas d’accord sur le plan de sauvetage financier, mais le candidat s’est donné jusqu’à l’ouverture des Bourses lundi pour le trouver. En suggérant que le face-à-face soit reporté à jeudi prochain, date prévue pour l’affrontement des vice-présidents, il a nourri le soupçon de vouloir donner plus de temps pour se préparer à sa colistière, Sarah Palin, dont l’étoile pâlit dans l’opinion. Les sondages semblent avoir joué un grand rôle dans la démarche du candidat républicain : à la faveur de la crise, il se retrouve neuf points derrière Obama d’après le Washington Post-ABC (52 % contre 43 %), six points d’après Fox News (45 % contre 39 %). Sur l’économie, les Américains préfèrent le démocrate à 53 %, contre 39 % pour le républicain.

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