Le candidat républicain à la présidence des États-Unis, John McCain, et sa colistière Sarah Palin faisaient à nouveau campagne dans l’État de l’Ohio hier, après y avoir passé plusieurs jours il y a moins de deux semaines. et pour cause! L’Ohio est un des États baromètres par excellence des élections américaines. Alors que les sondages indiquent que la lutte est très serrée entre MM. McCain et Obama, démocrates et républicains y feront des visites à répétition d’ici l’élection du 4 novembre. Leur but: convaincre les indécis qui feront pencher la balance d’un côté ou de l’autre. La Presse a passé trois jours en Ohio.
Rick Day marchait d’un pas traînant le long d’un parc surplombant le stade des Browns de Cleveland lorsque La Presse l’a abordé pour lui poser LA question: McCain ou Obama?
L’homme dans la quarantaine, chandail des Indians sur le dos et casquette vissée sur la tête, avait d’autres préoccupations que le choix du prochain président des États-Unis. La veille, en fin de soirée, il avait rempli son dernier quart de travail à la manufacture qui l’employait.
«Il y a deux semaines, on nous a annoncé la fin des opérations. Je dois trouver un autre emploi», disait M. Day.
Sa situation illustre parfaitement ce qui préoccupe le plus la population de cet État du Midwest à l’heure de l’élection présidentielle. En Ohio, l’emploi et l’économie dominent la liste des enjeux. Bien avant la guerre en Irak, les soins de santé ou l’environnement. Un sentiment partagé dans les États voisins de ce qu’on appelle aujourd’hui la ceinture de rouille (Rust Belt): Pennsylvanie, Wisconsin, Michigan, etc, l’ancienne Steel Belt.
«L’État ne s’est pas encore remis du déclin de l’industrie de l’acier, amorcé à la fin des années 70, lance Joe Frolik, éditorialiste au quotidien The Plain Dealer de Cleveland. Il y a eu de nombreuses fermetures d’usines. L’époque où les gens passaient de la fin de l’école secondaire à un emploi stable et bien payé, avec l’espoir de faire partie de la classe moyenne, est révolue.»
Il serait toutefois présomptueux, dans cette situation économique corsée, de croire que tous les chômeurs et travailleurs à bas salaire vont indubitablement voter du côté des démocrates, en dépit du message de changement martelé par leur leader, Barack Obama.
«Je ne sais pas, dit Rick Day. Je n’ai pas l’impression que l’un est meilleur que l’autre. J’ai un mois pour me décider», fait-il avant de reprendre sa promenade.
Vive le libre-échange!
D’autres savent exactement ce qui est à la source de leur indécision. Comme Anita Swann, une femme travaillant comme assistante juridique. Elle jure qu’après huit ans, elle ne veut pas un jour de plus de l’administration Bush. Mais Obamaw? Pas sûr. «Vous savez que son deuxième prénom est Hussein? Qu’est-ce que ça implique? Quels sont ses liens avec les islamistes?» s’inquiète-t-elle.
Président du comité électoral républicain dans le très populeux comté de Cuyahoga (centre-ville de Cleveland et environs immédiats), Rob Frost est convaincu que la relance économique passe par le libre-échange. Et par un virage vers les technologies énergétiques plus vertes.
À ses yeux, l’un ne va pas sans l’autre.
«Nous faisons face à un choix, dit-il. Ou nous nous refermons sur nous-mêmes et nous réinventons l’éolienne, ou nous nous tournons vers le monde pour former des partenariats.»
En fait, il souhaite que l’Ohio mette sa main-d’oeuvre, son expertise et ses infrastructures au profit de la fabrication de pièces et d’équipements de sources énergétiques non polluantes comme des éoliennes ou des centrales nucléaires.
État baromètre
Un discours qui, bien entendu, cadre avec celui de John McCain, candidat républicain à la présidence.
Pour M. Frost, John McCain est l’homme du libre-échange. «Obama a essayé de torpiller cette question durant les primaires, rappelle-t-il. Et vous savez, Obama n’a pas gagné les primaires démocrates en Ohio. John McCain lui, a réussi.»
L’Ohio est un État baromètre de l’élection présidentielle. Depuis 1944, il a toujours voté du côté du vainqueur, à l’exception de 1960 (Nixon contre Kennedy). Jamais un républicain n’a gagné la Maison-Blanche sans l’Ohio. En 2004, c’est la victoire, par une faible marge de 119 000 voix, sur plus de 5,5 millions de vote, qui a permis à George W. Bush d’être réélu.
Le vote démocrate est concentré dans toute la région de Cleveland, au nord-est, et dans quelques grandes villes, telle Columbus, la capitale. Mais ailleurs, dans les régions rurales, les républicains sont loin devant.
«Il y a une forte tradition culturelle là-dedans et elle va se maintenir, dit Jason Vaught, professeur de sciences politiques à l’Université Cleveland State. Je ne crois pas que ces électeurs soient prêts à voter pour un candidat noir. Par contre, un récent sondage montrait qu’en dehors des villes McCain n’est pas aussi en avance sur Obama que Bush l’était sur Kerry en 2004.»
Un autre récent sondage mené pour le compte des huit plus grands quotidiens de l’Ohio tend toutefois à montrer que le camp Obama a de la difficulté à consolider ses acquis dans ses forteresses.
Il est assez facile, en questionnant les passants dans le centre-ville de Cleveland, de constater à quel point la très grande majorité d’entre eux penchent pour les démocrates. Ils croient aux promesses de changements et aux thèmes défendus par leur candidat.
Économie ou Irak
La Presse a accompagné le professeur Vaught dans sa classe, où une bonne vingtaine d’étudiants encore endormis attendaient son arrivée. Lorsqu’il a demandé s’il y avait des partisans de McCain, seules deux mains se sont levées.
«Ce n’est pas une question de couleur, c’est une question de caractère, dit Ashley Leonard, une jeune femme née d’un mariage mixte qui donne son vote à McCain. Obama est un beau parleur. Mais McCain est courageux et humble. Lorsqu’il commet une bévue, il n’essaie pas de se justifier. Il s’excuse.»
Comment McCain va-t-il régler les problèmes économiques? «D’abord, on doit terminer la guerre en Irak, dit Cheryl Benedict, la seconde partisane de la classe. C’est une question d’éthique. En réglant cette question, l’économie va mieux aller.»
Les partisans d’Obama croient évidemment le contraire. «Avec lui, l’argent va revenir dans les poches de la classe moyenne. Toute sa plateforme électorale se tient. En l’appliquant, cela va créer un effet d’entraînement sur l’économie», croient Dustin Klapa et Francis Pusl, deux gaillards dans la vingtaine rencontrés rue Euclide, au centre-ville.
Trop chaud pour prédire à qui ira la victoire? Chose certaine, les deux organisations roulent à fond de train pour joindre les indécis et faire sortir les électeurs le jour du vote. «En 2004, ce sont les républicains qui ont gagné à ce jeu», rappelle Joe Frolik.
OHIO
Capitale : Colombus
Population : 630 730
Population urbaine : 91,3%
Population rurale : 8,8%
Revenu médian : 43,885$
Origines ethniques : 85,2% Blancs – 7,2% Noirs – 3,3% Asiatiques
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.