European and American Governments BandTogether to Fight the Financial Crisis

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Les Etats en première ligne face à la crise financière

Les gouvernements américain et européens luttent pour contenir la crise. La semaine s’annonce décisive

Depuis un mois, chaque fin de semaine, les autorités publiques bâtissent des digues contre la crise financière. Les lundis suivants, les marchés rouvrent en constatant que les mécanismes de crédit restent gelés par la défiance, que les faillites continuent, et le prix des actions baisse.

Cette fois-ci, les autorités américaines et européennes ont abattu leurs plus gros atouts. À Washington, le plan du secrétaire au Trésor Henry Paulson a été voté par le Congrès et doit permettre aux banques de se défaire de leurs créances douteuses. À Paris, les principaux pays européens ont montré un front uni, affirmant qu’ils soutiendront leurs établissements face à la crise.

Le cadre étant fixé, reste à savoir s’il rassure les marchés et les entreprises. Un gérant parisien affirmait dimanche 5 octobre « redouter les problèmes d’entreprises endettées qui ont du mal à trouver du financement à court terme ». Il citait l’exemple de la multinationale américaine General Electric, qui a dû demander en fin de semaine trois milliards de dollars au milliardaire Warren Buffett. Dimanche, des deux côtés de l’Atlantique, on ne savait ce qu’il fallait le plus redouter : le risque systémique d’une faillite en chaîne dans la finance ou bien la récession brutale de l’économie.

Aux États-Unis, le plan de sauvetage doit faire ses preuves

Wall Street avait clôturé en baisse vendredi, malgré l’approbation par la Chambre des représentants d’une nouvelle version de la « loi de stabilisation économique d’urgence 2008 » présentée par Henry Paulson, qu’elle avait rejetée quatre jours auparavant. Avec ce texte, l’État peut dépenser jusqu’à 700 milliards de dollars (500 milliards d’euros) d’argent public pour permettre aux banques de se défaire des actifs invendables qu’elles ont accumulés pendant la dernière bulle immobilière.

Le plan de sauvetage a été immédiatement signé par George W. Bush, permettant son entrée en vigueur. Le président américain a assuré que le coût final pour les contribuables serait « largement inférieur » au chiffre de 700 milliards de dollars. La version amendée de la loi ajoute par ailleurs 107 milliards d’euros de crédits d’impôts ainsi qu’un amendement faisant passer de l’équivalent de 70 000 € à 180 000 € la garantie de l’État sur les dépôts bancaires. Les deux candidats à l’élection présidentielle du 4 novembre, John McCain et Barack Obama, ont salué ce vote. Mais l’agence de notation Fitch prévenait qu’avec ce plan « la dette du gouvernement américain dépasserait les 70 % du PIB pour la première fois depuis les années 1950 ».

Henry Paulson a promis une mise en œuvre « rapide » mais s’est engagé à agir « méthodiquement », sans plus de précisions jusqu’à dimanche après-midi sur l’organisation des achats de titres.

Dans les faits, les marchés restaient très tendus, estimant qu’il faudra plusieurs semaines pour que le plan entre en action. « Normalement, ce plan doit ramener la confiance. Mais elle ne reviendra que lorsque l’on aura constaté que les premières transactions concernant les défaisances se passent de manière satisfaisante », affirmait dimanche un banquier parisien. En attendant, les marchés hésitent.

Pendant ce temps, la récession pourrait bien assombrir encore le tableau. Après la publication d’un taux de chômage à 6,1 % vendredi, son plus haut niveau depuis cinq ans, on attend pour la mi-octobre les chiffres de l’activité économique américaine. S’ils révèlent une atonie, ils pourraient bien conduire la Réserve fédérale à rebaisser ses taux de 0,75 point dans les trois mois à venir. Sachant que les risques de retour d’inflation repassent au second plan, avec le ralentissement attendu de la demande en matières premières.

À L’Élysée, l’Europe montre un front uni

L’Europe a fait samedi sa part du travail en « s’engageant à soutenir les établissements face à la crise, chacun le faisant avec les moyens qui lui sont propres, mais en coordination », a affirmé samedi Nicolas Sarkozy, en préambule à une conférence de presse rassemblant les quatre chefs d’État et de gouvernement européens membres du G8 (Silvio Berlusconi, Gordon Brown, Angela Merkel et le président français) ainsi que les présidents de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, et de la Commission européenne, José Manuel Barroso.

Après avoir été évoquée par certains pays, l’idée d’un fonds européen de défaisance, suivant l’exemple du plan Paulson, avait été abandonnée dès vendredi sous la pression de l’Allemagne. Mais les Européens se sont engagés à sanctionner les dirigeants des établissements en faillite et à renforcer le système européen de supervision. D’ici au sommet de l’Union européenne, dans dix jours, ils attendent des solutions concernant les règles comptables des actifs qui font peser un risque sur les bilans des banques.

Ensuite, ils demandent la tenue d’un sommet pour réformer l’architecture financière mondiale. « Étant donné les élections américaines de début novembre, on peut envisager un sommet entre la mi-novembre et la mi-décembre, réunissant les pays industrialisés du G8 et les principaux pays émergents », affirmait un proche du président français.

À l’Élysée, l’Europe aura affirmé qu’elle ne combattra pas la crise en ordre dispersé, après un mauvais signal envoyé par le gouvernement irlandais qui avait apporté sa garantie aux dépôts des plus grandes banques du pays, jeudi dernier. Cette démonstration de cohésion sera-t-elle suffisante pour rassurer les marchés ? Une source élyséenne répondait samedi que « le gel du crédit montre que les marchés n’existent plus en ce moment. Nous, nous cherchons la confiance des déposants. Le but de cette réunion européenne était d’éviter que les épargnants ne décident d’enlever leurs dépôts de leurs banques. »

En France, l’État mobilise la Caisse des dépôts

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Alors que Nicolas Sarkozy estime avoir obtenu samedi soir de ses invités de pouvoir mettre provisoirement entre parenthèses les règles du pacte de stabilité en laissant filer la dette et les déficits publics, plusieurs mesures vont être mises en place pour éviter tout risque d’assèchement du crédit, considéré par Nicolas Sarkozy comme la principale menace.

« La priorité des priorités, c’est de sauver le système bancaire », explique l’entourage du chef de l’État. Pour réinjecter de l’argent dans le circuit, le gouvernement a fait appel une nouvelle fois à la Caisse des dépôts (elle s’est déjà engagée mercredi à racheter 10 000 des 30 000 logements repris par l’État pour soutenir le parc privé), en mobilisant le plus rapidement possible l’argent qu’elle a dans ses réserves. Vingt-deux milliards d’euros vont ainsi être mis à la disposition des PME.

Le Livret A, en revanche, ne sera pas mis à contribution. Sa valeur symbolique est très forte pour les épargnants, et la grogne des représentants du logement social, inquiets que l’on puisse puiser dans leur ressource principale, a obligé le gouvernement à revoir sa copie. L’argent va être pris sur les Livrets d’épargne populaire (LEP) et sur les ex-Codevi, désormais appelés Livrets de développement durable (LDD). En pratique, les dépôts collectés par les banques sur le LDD ne seront plus remontés à la Caisse des dépôts (9 % le sont aujourd’hui) et ceux collectés sur le LEP ne seront plus bloqués qu’à hauteur de 70 % (contre 85 %) aujourd’hui. En contrepartie, les banques vont s’engager, par convention signée avec l’État, à bien diriger cet argent vers le crédit aux PME.

Officiellement, le gouvernement se refuse à parler de plan de relance, au moment où le chômage est repassé en tête des préoccupations des Français, comme le révèle le baromètre TNS-Sofres/La Croix (lire page 10). Les mesures prises y ressemblent pourtant. Et à l’Élysée, on laisse entendre que d’autres dispositions pourraient être annoncées rapidement, si les banques se retrouvaient face à un problème de liquidités. En utilisant, par exemple, les surplus de collecte du Livret A. « S’il y avait la moindre alerte, il y aurait intervention », a ainsi réaffirmé, dimanche 5 octobre sur Europe 1, Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République.

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