McCain tente de «doser»
ses critiques contre Obama
De notre correspondant à Washington, Philippe Gélie
10/10/2008 | Mise à jour : 21:03 | Commentaires 1 .
John McCain (hier, dans le Wisconsin) a déclaré vouloir faire du scrutin présidentiel « un référendum sur la personnalité d’Obama». Crédits photo : AP
En mettant en cause le patriotisme et «l’altérité» du candidat démocrate, le camp républicain redoute d’être accusé de racisme.
» DOSSIER SPECIAL – Elections américaines
John McCain se demande jusqu’où aller dans ses attaques personnelles contre Barack Obama. Jeudi, ses conseillers ont soupesé la question lors d’une conférence téléphonique. Certains commencent à s’inquiéter des répercussions de leur assaut contre la personnalité du candidat démocrate.
La stratégie consistant à mettre en cause le patriotisme, les origines et les fréquentations d’Obama avait été décidée vendredi dernier lors d’une réunion de son état-major de campagne à Phoenix (Arizona). Depuis, McCain et ses alliés passent leur temps à distiller la peur sur le sénateur de l’Illinois. «Qui est-il vraiment ?», martèle le sénateur de l’Arizona sur les podiums, pointant du doigt ses relations «avec un vieux terroriste dépassé» du nom de Bill Ayers, ancien activiste violent devenu quasi-notable de Chicago. «Il ne voit pas l’Amérique comme vous et moi», renchérit sa colistière, Sarah Palin. «Imaginez ce que vous ressentirez si vous vous réveillez le 5 novembre avec Barack Hussein Obama comme président élu des États-Unis», a lancé Bill Platt, président local du Parti républicain, mercredi à Bethleem (Pennsylvanie).
Les réactions du public conservateur dépassent les attentes du ticket républicain. «Qu’on lui coupe la tête !», s’est écrié un homme au meeting de Bethleem. La veille, un supporteur de McCain portait un T-Shirt représentant Obama sous le masque de Satan. En Ohio, une pancarte affichait : «Obama = Oussama», en référence à Ben Laden. Dans un documentaire diffusé sur Fox News, un activiste de droite, Andy Martin, décrit le travail d’«organisateur de communauté» effectué par Obama dans sa jeunesse comme «un entraînement extrémiste pour renverser le gouvernement.»
«Seule la guerre des cultures peut nous faire gagner»
D’après son conseiller Mark Salter, John McCain est «très content» du tour pris par sa campagne. Lundi, il avait déclaré au New York Times vouloir faire du scrutin «un référendum sur la personnalité d’Obama». Dans le Los Angeles Times, Timothy Garton Ash, professeur à Stanford (Californie), analyse ainsi la stratégie républicaine : «Seule la guerre des cultures peut nous faire gagner. Sur l’Irak, on perd. Sur l’économie, on perd. Mais en caricaturant l’altérité d’un candidat nommé Barack Obama, on a une chance d’arracher la victoire.» Dans le Washington Post, Dan Balz «décode» le message : «Il y a quelque chose de sinistre à propos d’Obama.» Les démocrates ne se font pas d’illusion sur le sens profond de ces attaques : «Il y a mille raisons de voter pour Obama et une raison de voter contre, la race», estime l’élu de Pennsylvanie Thimothy Letson. Dans les sondages, 83 % des Américains assurent que la couleur de peau ne joue aucun rôle dans leur choix. Mais une étude de l’université de Stanford évalue l’écart potentiel entre les déclarations des sondés et leur vote à 6 % des voix, pratiquement l’avance actuelle d’Obama. C’est «l’effet Bradley», du nom d’un candidat noir au poste de gouverneur de Californie en 1982, qui avait perdu de justesse alors que les sondages le donnaient gagnant. Dans le cas d’Obama, s’y ajoute une complication : 46 % des Américains sont incapables d’identifier sa religion et 13 % pensent qu’il est musulman.
McCain compte sur ces facteurs pour remonter le courant. Mais il prend garde de ne pas trop se découvrir. Jeudi, le candidat républicain a maintenu la «ligne rouge» tracée devant le nom de Jeremiah Wright, l’ancien pasteur d’Obama dont les diatribes «antiaméricaines» avaient fait polémique durant les primaires. Pressé par certains de l’inclure dans ses attaques, comme l’a déjà fait Sarah Palin, il s’y refuse au nom «du respect de la foi ». « Ce n’est pas à cause de la race», assure un de ses conseillers. L’inquiétude commence pourtant à percer sur les limites de sa stratégie : «J’aimerais que John ait un discours positif sur la résolution des problèmes de l’Amérique», dit son ami sénateur Lindsey Graham. D’autant que le matraquage tarde à porter ses fruits : le démocrate reste compétitif dans des États comme la Virginie et la Caroline du Sud, où la ségrégation était encore en vigueur il y a un demi-siècle. Et les attaques personnelles ont déclenché une riposte du même tonneau. En critiquant la réaction «erratique» de John McCain à la crise économique, Barack Obama rappelle implicitement à l’opinion le principal point faible du septuagénaire : son âge.
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