Debate: Joe Biden Takes the Advantage Over Sarah Palin

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Débat : Joe Biden prend l’avantage sur Sarah Palin

De notre envoyé spécial à Saint Louis (Missouri), Philippe Gélie

03/10/2008 | Mise à jour : 15:20 | Commentaires 127

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Crédits photo : AP

Combative et séductrice, Sarah Palin n’a pourtant jamais baissé la garde face à un Joe Biden impeccable dans son rôle de colistier démocrate.

Un prétendant à la vice-présidence des Etats-Unis a deux missions : ne pas créer de problème au candidat de tête, et convaincre l’opinion qu’il serait capable de suppléer au futur président à tout moment. À cette aune, Joe Biden a sans doute fait carton plein jeudi soir. Sarah Palin, tout en montrant une agilité et une maîtrise des dossiers au-delà des espérances placées en elle, n’a sans doute rempli que la moitié de son contrat.

Tout en œillades et sourires télégéniques, tantôt poupée mécanique tantôt dame de fer, la colistière de John McCain n’a jamais baissé la garde face à son rival démocrate. Utilisant un vocabulaire aussi proche que possible de celui de l’homme de la rue, ponctué de «gotcha» et de «damn right», le gouverneur de l’Alaska a montré que rien ne l’impressionnait. Elle a vaillamment défendu les positions de John McCain, s’affichant comme une mère de famille ancrée dans l’Amérique profonde et décidée à «changer Washington». Sans se départir de son sérieux, Joe Biden a concentré ses attaques sur le sénateur de l’Arizona, traitant son adversaire d’un soir avec respect. Mais, plus d’une fois, il l’a regardée d’un air médusé, presque admiratif devant son aplomb.

«Hey, je peux vous appeler Joe ?», a commencé la républicaine avant même que les micros ne soient ouverts. Dénonçant «la cupidité et la corruption de Wall Street», elle a appelé «tous les Joe-Six-Pack (buveurs de bière du dimanche) et les hockey-moms du pays à unir leurs forces pour dire : plus jamais. Ça pourrait faire un sacré bien au pays !» Le reste à l’avenant : «Je vous crois qu’on a besoin de baisses d’impôts !» «Ça ne fera pas de mal à Washington d’y mettre un peu de réalité de Wassila», sa ville en Alaska. «Dieu merci, John McCain est un réformiste. Nous sommes une équipe de francs-tireurs.» Et quand Biden fait remarquer qu’elle digresse : «Je ne répondrai peut-être pas aux questions comme vous le souhaitez, mais je parlerai directement au peuple américain.»

À ses côtés, le colistier de Barack Obama donne une image d’austérité rarement associée à sa volubilité légendaire. Là où Palin débite des slogans avec un sourire de pâte dentifrice et des clins d’œil à la salle, il aligne les chiffres et rappelle inlassablement les positions défendues par McCain et Obama. «Nous dépensons en trois semaines en Irak ce que nous avons investi en sept ans en Afghanistan. Je n’ai rien entendu qui distingue les politiques de John McCain de celles de George Bush sur l’Iran, l’Irak, Israël ou l’Afghanistan.» «Vous y revoilà, Joe, réplique la jeune femme. Toujours à ressasser le passé, alors que vous prétendez incarner le futur.» Et, avec un sourire radieux visant tout droit la caméra : «John McCain sait gagner une guerre !»

À ce jeu, l’authenticité a pourtant été plutôt du côté de Biden. Il a eu lui aussi ses saillies : «Nous avons une échelle de valeurs différente.» Sur le plan d’assurance maladie des républicains : «C’est l’exemple même du pont vers nulle part», une allusion à un projet controversé en Alaska. Quand Palin décrit le changement climatique comme un phénomène cyclique : «Si vous ne comprenez pas les causes d’un problème, il est impossible d’y remédier.» Le vétéran du Sénat s’octroie aussi le seul moment d’émotion du débat lorsqu’il évoque d’une voix étranglée son fils sur le point de partir pour l’Irak. Mais le gouverneur de l’Alaska garde du répondant : «Vous brandissez le drapeau blanc de la reddition. J’ai beaucoup de respect pour votre famille. Avec le sénateur Obama, c’est une autre histoire.»

Après une série d’interviews décevantes, Sarah Palin a manifestement ingurgité le programme de John McCain et les positions de ses adversaires. Aucun des deux candidats n’a trébuché, ce qui était leur premier objectif. Dans le cas de la colistière républicaine, un faux-pas sérieux aurait pu couler une campagne déjà en difficulté dans les sondages. À la suite du débat, chaque camp peut revendiquer la victoire. «Elle est douée pour regarder la caméra mais pas pour répondre aux questions», dit David Axelrod, le stratège d’Obama. «On ne va plus la juger sur des extraits de quinze secondes, affirmele sénateur Lindsey Graham, un proche de McCain. Si on ne l’utilise pas davantage à partir de maintenant, c’est qu’on est fous.»

L’histoire politique américaine montre que le colistier fait rarement la différence dans le choix ultime des électeurs. Mais «depuis Walter Mondale, et plus encore ces huit dernières années avec Dick Cheney, la vice-présidence a cessé d’être une fonction sans pouvoir ni objet. Historiquement, un quart des présidents américains n’achèvent pas leur mandat», rappelle Joel Goldstein, professeur de Sciences politiques à l’université Washington de Saint Louis. C’est là que la performance de Sarah Palin a sans doute trouvé ses limites : deux sondages instantanés de CNN et de CBS donnaient jeudi soir Joe Biden vainqueur du duel avec plus de dix points d’avance.

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