Roosevelt, We Need Your Help

Edited by Sonia Mladin

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À l’issue de la Grande Dépression qui vit le taux de chômage atteindre 25% en 1933, le président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, fit adopter par le Congrès un audacieux programme de réformes : le New Deal. Ce programme législatif a secouru les chômeurs et les agriculteurs, mis en œuvre une foule de travaux d’infrastructures, fondé l’assurance-chômage, établi un régime de retraite public (la Social Security), introduit un salaire minimum fédéral, renforcé les autres normes du travail, réglementé le secteur financier de façon rigoureuse, sécurisé le secteur immobilier, et fait passer de 25% en 1929 à 62% et plus en 1935 le taux d’imposition applicable à la portion du revenu dépassant 100 000 dollars.

Le New Deal de Roosevelt n’a pas seulement sorti l’Amérique de la Grande Dépression. Il a radicalement transformé le paysage économique et social des États-Unis. Il a considérablement atténué la pauvreté, l’insécurité et les inégalités. Dans l’après-guerre, sous l’empire du New Deal, le pays a connu une longue période de prospérité. La croissance économique fut tellement rapide, de 1945 à 1975, que les historiens appellent aujourd’hui cette époque celle des « Trente Glorieuses ». Les réformes de Roosevelt ont été imitées en tout ou en partie dans plusieurs pays (dont le Canada), avec des résultats semblables.

Le leadership dont Roosevelt a fait preuve pendant la Grande Dépression des années 1930 en a fait, sans contredit, le plus grand président des États-Unis du 20e siècle. Son génie a consisté à transformer une grande catastrophe économique et sociale en occasion unique de réformer les institutions afin de rendre la société américaine plus performante et plus juste à court et à long terme.

Malheureusement, au cours des 30 dernières années, le Congrès et les présidents Reagan, Bush (père et fils) et même Clinton ont détruit une bonne partie du New Deal de Roosevelt. Ils ont affaibli considérablement l’encadrement réglementaire des marchés financiers et immobiliers. Ils ont laissé dépérir les normes du travail. Ils ont gelé le salaire minimum pendant de longues périodes. Ils ont fait tomber de grands pans de l’aide de dernier recours aux familles. Ils ont abaissé à 35% le taux d’imposition applicable à la portion du revenu dépassant 360 000 dollars. Ils ont rejeté l’implantation d’un régime d’assurance-maladie qui aurait couvert les 45 millions d’Américains présentement sans protection. Il y a même eu une tentative (ratée) d’abolir le régime de retraite public.

Nous avons maintenant sous les yeux les conséquences des mesures anti-New Deal des dirigeants américains : des bulles spéculatives à répétition suivies de récessions, une insécurité croissante des citoyens et des inégalités de revenu extrêmes. Aux États-Unis, en 2006, la part du revenu de la nation accaparée par le plus riche 1% des contribuables a été de 20%. Pour comparer, on peut estimer qu’au Québec cette part ne dépasse pas 7%. Au bas de l’échelle, le revenu moyen des 20% les plus pauvres parmi les familles est plus élevé au Québec qu’aux États-Unis, même si ce pays est globalement 28% plus riche que notre petite province.

La crise actuelle offre une chance en or au nouveau président des États-Unis de retrouver l’audace du président Roosevelt et de formuler un New Deal 2.0 pour succéder à son New Deal 1.0. En plus de sortir l’économie de ses difficultés, il pourrait instaurer un régime d’assurance-maladie universel. Porter le salaire minimum à un niveau décent. Mettre à jour les autres normes du travail. Réformer les impôts de façon à éliminer, une fois la reprise enclenchée, le déficit budgétaire irresponsable (de plus de 400 milliards de dollars) légué par l’administration Bush. Et combattre les inégalités extrêmes de richesse en introduisant des taux d’imposition plus élevés pour les gains en capital et les très hauts revenus.

Rejeter le capitalisme extrême des années récentes aux États-Unis, vingt ans après la chute du socialisme extrême en Union soviétique, apporterait une insigne contribution à l’équilibre économique et social du monde entier.

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