Only A Miracle

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À une semaine d’une élection présidentielle d’une ampleur historique sans précédent, le négligé John McCain est en quête d’un autre miracle. Mais le pilote de guerre qu’on qualifierait lui-même de miraculé à outrance semble avoir épuisé toutes ses bénédictions.

Plus personne, pas plus dans le camp républicain que chez les démocrates et les observateurs neutres, ne croit sincèrement que cet ultime prodige viendra. Oh, il y en a quelques-uns qui l’espèrent ou le craignent «parce que c’est John McCain, et avec lui on ne sait jamais». Mais ni l’espoir, ni la crainte, n’a quoi que ce soit de rationnel.

Il ne reste plus que le surnaturel.

Signe le plus évident du déraillement fracassant du «Straight Talk Express «, ses passagers en panique s’entre-égorgent en cherchant les coupables. La campagne McCain s’est constituée en peloton d’exécution… aligné en cercle.

À ses meilleurs moments, l’entourage de John McCain n’a jamais été un îlot de quiétude et de retenue. Phénomène qui n’est assurément pas étranger au caractère bouillant du candidat lui-même. Sans parler de sa tendance fâcheuse à prendre des décisions subites, souvent risquées, sans discussion, avec toute la divine assurance de Moïse descendant du mont Sinaï.

Mais on en était finalement venu à penser que ce chahut interne perpétuel faisait tout simplement partie du cours normal des choses dans une campagne McCain.

Palin, la cible

Sauf qu’un nouvel élément est venu ces derniers jours rendre cet amusant divertissement quelque peu troublant. Les «fidèles» stratèges de John McCain se sont mis à déblatérer dans les médias. Sous le couvert de l’anonymat, évidemment. Comme si les choses n’allaient pas suffisamment mal comme ça, avec huit ou neuf points de retard dans les sondages.

Plus grave encore, ces artistes de la fourberie, qui seraient loufoques s’ils n’étaient pas si mesquins, ont trouvé leur bouc émissaire : Sarah Palin, la candidate de McCain à la vice-présidence. Celle-là même qui, il a à peine deux mois, allait leur paver le chemin vers la Maison-Blanche. La même qui a permis et qui permet encore à McCain d’attirer des foules immenses dont il n’aurait jamais osé rêver.

On l’accuse d’être une «diva», qui n’écoute personne et qui n’a que son propre intérêt à coeur. Dont, prétendument, sa propre course au leadership du Parti républicain en 2012. Si tel est le cas, s’il est vrai que la diabolique Sarah refuse maintenant d’écouter les judicieux conseils des bonzes de la campagne, elle est passablement plus brillante que ses détracteurs ne voudraient le laisser croire.

Jamais, dans l’histoire récente, une femme politique n’a été autant tournée en ridicule, réduite à la nullité intellectuelle et diabolisée avec la hargne dont Sarah Palin a été victime depuis que son arrivée imprévue a flanqué la frousse aux démocrates. On ne l’a pas traitée de bimbo, mais l’implication est clairement là.

Et parmi les principaux responsables de la campagne républicaine… certains s’étonnent aujourd’hui du fait qu’elle ne veut plus les écouter ! ?

Appels automatisés

Que lui reproche-t-on ? Entre autres, d’avoir déploré le fait que la campagne McCain faisait un usage abusif de ces infâmes «robo-calls «. Il s’agit d’appels téléphoniques automatiques en série. Le téléphone-robot est programmé pour joindre à peu près tout ce qui a l’air d’un numéro dans le bottin. Lorsqu’on répond, une voix en conserve vous raconte de terribles histoires sur Barack OBama, comme le fait qu’il côtoie un terroriste américain des années 1960. Bill Ayers, depuis longtemps professeur émérite à l’Université de Chicago, avait alors fait sauter des bombes pour protester contre la guerre du Vietnam. L’accusation est tirée par les cheveux et ne semble pas avoir collé avec un électorat beaucoup moins naïf qu’on pense.

Mais les «robo-calls « continuent de plus belle, colportant souvent les ignominies que le candidat n’ose proférer de vive voix. De la très petite politique. Et drôlement dérangeants, en plus, un peu comme les appels d’agence de recouvrement.

En fait, c’est aussi à Sarah Palin que les génies de la campagne McCain avaient confié la tâche de dénoncer l’association de Obama avec Ayers. On apprend cependant aujourd’hui de ces astucieux stratèges que Palin n’était pas d’accord et ne croyait pas que la campagne prenait un bon virage en agissant de la sorte. Les événements lui ont donné raison, autant là-dessus que sur les téléphones-robots.

Et, soi dit en passant, elle continue malgré tout d’attirer des foules monstres à chacun de ses événements.

La débandade magistrale de la campagne McCain n’a rien à voir avec Sarah Palin. En fait, on pourrait soutenir qu’elle est l’une des raisons majeures qui lui ont permis de maintenir sa tête au-dessus de l’eau. Et, au fond, on ne peut vraiment blâmer le candidat McCain non plus.

Il est vrai qu’il a pu sembler erratique dernièrement alors que ses discours passaient du coq à l’âne et que sa campagne semblait avoir absolument perdu le nord. Mais on sent là beaucoup plus le désespoir de faire coller quelque chose, n’importe quoi, plutôt qu’une désorganisation massive.

John McCain sera défait par deux choses : le désastre économique américain et un candidat beaucoup plus fort que lui. Au cours d’une campagne menée de main magistrale, Barack Obama s’est moqué d’une des plus puissantes machines électorales des temps modernes. Face à lui et ses troupes passionnées, le bulldozer républicain est tombé en panne.

Certains observateurs continuent de dire que l’élection sera serrée. Difficile à croire quand John McCain tire de l’arrière dans des bastions républicains comme la Virginie, le Colorado, l’Ohio et la Floride, sans parler du Wisconsin et peut-être même de l’Indiana. Reste le nombre élevé d’indécis, qui oscille toujours entre 7 et 8 %. Mais on flaire plutôt un balayage.

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