Le 4 novembre, seuls les Américains voteront, mais c’est la planète entière qui tremblera. Obama-McCain, tout a été écrit sur les enjeux de ce duel historique. Chaque instant de la vie des deux candidats a été soupesé par des médias avides de découvrir l’épisode caché qui pourrait tout faire basculer. Barack Obama avait, si l’on peut dire, pris les devants en publiant dès 1995 son autobiographie, Dreams from my father. Treize ans plus tard, accompagné d’une préface inédite, Les Rêves de mon père. L’histoire d’un héritage en noir et blanc reparaît dans la collection ” Points ” (572 p., 8 euros).
Des terres rouges du Kenya aux paysages de l’Indonésie, des ghettos de Chicago à l’université Harvard, on y découvre bien sûr l’extraordinaire histoire de l’homme qui va peut-être devenir le premier président métis de l’histoire des Etats-Unis ; plus encore, Obama y apparaît tel qu’on le pressentait en lisant son magnifique texte De la race en Amérique (Grasset) : un véritable écrivain.
Bien entendu, il s’en défend : “Je n’ai pas le talent d’écrivain nécessaire pour mettre des mots sur cette journée [du 11 septembre 2001], et celles qui suivirent les avions qui, tels des spectres, s’évanouissent dans l’acier et le verre, le mouvement lent des tours qui s’écroulent, l’une après l’autre, les personnages couverts de cendres qui errent dans les rues, l’angoisse et la terreur. [ ] Mes possibilités d’empathie, mes capacités de compréhension de l’autre ne me permettent pas de percer les regards vides de ceux qui tuent des innocents avec une satisfaction abstraite, sereine. Ce que je sais, c’est que l’Histoire a refait irruption ce jour-là de plus belle ; qu’en réalité, comme nous le rappelle Faulkner, le passé n’est jamais mort et enterré mieux, ce n’est pas le passé. Cette histoire collective, ce passé, touche directement les miens.”
Plus loin, Obama se souvient du jour où il a pris conscience qu’il était différent. Sa mère ne cessait d’idéaliser le présent, de lui vanter les vertus des “grands” Noirs, Mahalia Jackson, Martin Luther King, Sidney Poitier. Souvent, elle lui disait : “Harry Belafonte est l’homme le plus beau de la planète.” A elle, la Blanche, il devait ses petits sourcils fins qu’on ne remarque pas. A son père, le Noir, son cerveau, son caractère.
Et puis un jour, dans Life, Barack tomba sur la photo d’un Noir qui avait essayé de changer de peau. “Je sais, écrit-il, que la lecture de cet article a été pour moi une attaque en forme d’embuscade. [ ] Il y avait un ennemi caché quelque part, un ennemi qui pouvait m’atteindre sans que personne le sache, pas même moi.” Il poursuit : “En rentrant chez moi, je me rendis dans la salle de bains et me plantai devant la glace. Tout était là, en place, intact, j’étais le même que d’habitude. Est-ce que j’avais quelque chose d’anormal ? Mais si j’étais normal, l’autre possibilité ne me faisait pas moins peur, la perspective que les adultes qui m’entouraient vivaient dans un monde de fous. [ ] Mon regard sur le monde avait été modifié, et ce, de manière définitive.”
A la télé, remarque-t-il alors, “Cosby ne faisait jamais la conquête de la fille dans I Spy”, “le Noir de Mission impossible passait son temps sous terre” et le père Noël était un Blanc.
A lire ce livre bouleversant, on comprend mieux ce fol espoir qui envahit le monde, à la mesure de la crise qui le menace.
Ummm. I don’t speak French.
Why do you need to speak french ?