Barack Obama, or the Incomplete Revolution

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Qui a dit, récemment, sur MTV : «Le mariage doit être entre un homme et une femme» ? Est-ce John McCain ? Sarah Palin ? Non. Certes, ils sont tous deux opposés au mariage homo, et auraient pu dire la même chose. Mais en l’occurrence, la réponse est : Barack Obama.

Obama

Barack Obama vient d’être élu. C’est évidemment un immense espoir qui se lève dans le monde. Espoir de relations plus équitables entre Blancs et Noirs, entre riches et pauvres, entre pays du Nord et pays du Sud, également. Evidemment, il sera difficile de répondre à toutes ces attentes, mais il y a là une perspective nouvelle, qui s’ouvre largement. Cependant, pour les couples homosexuels, qu’est-il permis d’espérer ?

Pour l’instant, la situation est sombre. En Californie, malheureusement, la proposition 8 a été acceptée. Le mariage des couples de même sexe, qui était autorisé, est donc désormais interdit. En Arizona, le mariage homo était déjà impossible, dorénavant, cette impossibilité sera inscrite dans la Constitution. Idem en Floride, où le mariage sera défini dans la Constitution comme étant nécessairement l’union d’un homme et d’une femme; par ailleurs, toute solution alternative (union civile ou partenariat enregistré quel qu’il soit) sera également interdite. Enfin, dans l’Arkansas, le mariage homo étant déjà banni, les citoyens se sont prononcés en outre contre l’adoption par les couples de même sexe. Bref, à l’heure où la lutte contre le racisme semble avancer, la lutte pour les droits des gais et des lesbiennes recule.

Au-delà de ces quatre Etats, quelle attitude aura le nouveau président en général à l’égard du mariage des couples de même sexe ? La position de Barack Obama demeure assez ambiguë sur ce sujet. Ce week-end dernier, sur MTV donc, il avait réaffirmé la vision traditionnelle du mariage-un-homme-une-femme, tout en critiquant la proposition 8, qui visait à interdire le mariage homo en Californie :

«Je crois que le mariage doit être entre un homme et une femme, je ne suis pas favorable au mariage gay. Mais quand on commence à jouer avec les constitutions, afin d’interdire le droit de prendre soin de ses proches, cela ne correspond pas à ma vision de l’Amérique.»

Bref, il est contre le mariage homo, mais il est contre ceux qui sont contre. C’est clair, non ?

Barack Obama a milité pour les droits civiques dans sa jeunesse ; il est plus sensible que d’autres à la question des droits humains. Certes, la real politik ne permettait pas de prendre position en faveur de l’égalité totale entre homos et hétérosexuels, et il ne faut pas se faire d’illusion sur son action en ce domaine dans les années à venir. Cependant, qu’il soit permis ici de faire quelques rappels historiques. Qu’il soit permis de redire que, placé au cœur de la société, le mariage n’a pas été épargné par les logiques discriminatoires à l’œuvre dans l’Histoire.

Le Code noir, qui organisait l’esclavage dans les colonies françaises, interdisait le mariage entre Blancs et Noirs. Etait-ce du racisme ? Je crois que oui.

Les lois de Nuremberg, qui protégeaient «l’honneur et le sang allemands», interdisaient le mariage entre Juifs et Allemands. Etait-ce de l’antisémitisme ? Je crois que oui.

Dans de nombreux pays à travers le monde, les lois ou les usages interdisent encore aux femmes la possibilité de se marier selon leur désir. Est-ce du sexisme ? Je crois que oui.

Aux Etats-Unis, et dans de nombreux autres pays du monde, il y a des lois qui interdisent le mariage des couples de même sexe. Est-ce de l’homophobie ?

Cependant, le président Obama a donné un signe d’ouverture important dans le discours qu’il a prononcé à Chicago, à la suite de sa victoire électorale. Il n’a pas hésité à mentionner ensemble homos et hétérosexuels. En effet, cette élection, a-t-il dit, «c’est la réponse des jeunes et des vieux, des riches et des pauvres, des Démocrates et des Républicains, des Noirs, des Blancs, des Hispaniques, des Asiatiques, des gais, des hétérosexuels, des handicapés et des valides». C’est la première fois dans l’Histoire des Etats-Unis qu’un président intègre à son discours de victoire les mots «gay» et «straight», de la sorte. On l’avait déjà dit, la question gaie est politique ; on le redit, la question hétérosexuelle ne l’est pas moins.

Dès lors, si Barack Obama a tenu à prononcer ces quelques mots devant le monde entier, peut-être est-ce un signe politique. Peut-être a-t-il l’intention de faire évoluer malgré tout la cause de l’égalité entre homos et hétérosexuels. Mais le président Obama pourra-t-il aller jusqu’au bout de la révolution symbolique que constitue son élection, ce 4 novembre 2008 ?

Nous voudrions en tout cas qu’il illustre son slogan à cette occasion : «Yes, we can.”

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