Un rêve d’Amérique
Enfin lespoir?! De grâce, pour une heure, pour un jour, ne jouons pas les blasés, les prudents, les sceptiques.
Après ce 4 novembre déjà historique, avouons que nous sommes pris, presque tous, dun sentiment de bonheur. Pour une heure ou pour un jour, laissons parler lenthousiasme, celui qui déferle sur la planète. Depuis quelques heures, les Américains espèrent?; depuis quelques heures, le monde entier se sent mieux. Le bonheur?? Une idée neuve en Amérique. Il suffit dimaginer un instant le résultat inverse?: un sénateur raide et conservateur flanqué dune mystique béotienne reconduisant pour quatre ans la politique brutale de George W. Bush. Un cauchemar moral, un film dhorreur politique. Au contraire, les symboles se bousculent dans limaginaire de ce jour dexception. Lidéal dAbraham Lincoln, le rêve de Martin Luther King, la Nouvelle Frontière de John et Robert Kennedy?: quatre espoirs interrompus, quatre prophètes du réel immolés, qui revivent, lespace dun moment, par la grâce de ce scrutin. Ce sont les symboles dune Amérique qui aime lavenir. Les symboles de lAmérique quon aime.
Il sera temps, demain, de mesurer les difficultés de la tâche, de dissiper les illusions, de disséquer les faiblesses du nouvel élu. On le pressent, il porte plus de promesses quil ne peut en satisfaire. Il prendra en charge les intérêts dun Etat autant que les rêves de ses électeurs. Il devra composer avec les froides réalités de la géopolitique. Il nest peut-être pas le héros du progressisme que fantasme la gauche française. Il est sans doute plus enclin au compromis et à la manuvre que ne le pensent la plupart de ses partisans. Mais sa victoire montre que le monde peut changer et, pour une fois, changer en mieux.
Obama peut interrompre le cours de cette révolution conservatrice qui domine le monde depuis lélection de Ronald Reagan. Enfin, les valeurs de solidarité, dattention aux faibles, de justice seront représentées à la Maison Blanche. Enfin, on ne va pas essayer de nous faire croire que lintérêt des milliardaires se confond avec celui du peuple. Enfin, les Américains peuvent espérer une meilleure protection sociale, un contrôle sur Wall Street, des crédits pour la santé, pour léducation, pour lenvironnement. En un mot, ils peuvent espérer une société plus humaine, qui montre aux autres nations que la justice concrète nest pas toujours un objectif utopique.
Ensuite parce le vainqueur du 4 novembre est un homme du siècle nouveau. Métis, ancien travailleur social, petit-fils dune Africaine, Barack Hussein Obama a choisi dêtre américain. Son histoire montre que lidentité nest pas forcément un fait de nature qui enferme les hommes dans leur naissance mais aussi ladhésion lucide à des principes démocratiques. Avec Obama, cest un peu du Sud et de sa souffrance qui entre dans la capitale du Nord. Avec Obama, cest beaucoup de notre monde mélangé qui accède à la plus haute fonction. Tout cela semble candide, virtuel, hypothétique?? Peut-être. Mais pour une heure, pour un jour, il faut essayer dy croire. Essayer de croire que, pour la première fois, depuis longtemps, le Nouveau Monde peut mériter son nom.
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