Moral Leadership Rediscovered

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Le leadership moral retrouvé, par Justin Vaïsse

En un sens, c’est trop beau. On se demanderait presque si l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis n’est pas l’oeuvre de quelque génial conseiller en communication qui serait venu au chevet de l’Amérique pour restaurer son image aux yeux du monde.

Qu’on y songe : après huit années de présidence Bush, une perte de crédibilité politique et morale sans précédent (sauf peut-être après la guerre du Vietnam, mais il y avait alors l’URSS), après Guantanamo, après la torture, après l’Irak, après le rejet hautain de tout effort sur le réchauffement climatique, comme si l’Amérique ne partageait pas vraiment la condition commune des hommes sur cette planète, la voilà qui, en une seule élection, change l’ordre du jour et récupère son leadership moral.

Car elle change l’ordre du jour : ce n’est pas en politique étrangère que Barack Obama redore le blason des Etats-Unis. Il va certes changer de cap, mais il ne peut effacer huit années d’erreurs politiques d’une administration arrogante, ni révolutionner le cours diplomatique. C’est par ce qu’elle est, et non ce qu’elle fait, que l’Amérique récupère sa position de modèle, de leader – et d’une très large tête – parmi les démocraties libérales : sur la question de la diversité, de l’inclusion des minorités dans le tissu de la nation.

Or, tout autant que celui de la globalisation, l’âge dans lequel nous vivons est celui de l’identité. On a insuffisamment remarqué que cette campagne américaine de 2008 avait, comme la campagne présidentielle française de 2007, tourné autour de l’identité nationale, même si ce fut sur un mode plus implicite. Qu’est-ce qu’un vrai Français ? Qu’est-ce qu’un Américain authentique ?

Si les attaques de la campagne de John McCain contre Obama sont, dans l’ensemble, restées dignes, toute la rhétorique des républicains sur “l’Amérique réelle”, “la vraie Amérique”, a fait jouer les réflexes d’exclusion, sur le mode “il ne nous ressemble pas”. En France, en 2007, la “crispation hexagonale” (Vincent Tiberj) autour de l’identité et de l’immigration avait contribué au résultat final, plus que les vieux clivages sur la question économique. Même chose en Italie l’année suivante.

L’Amérique, où la question raciale (un siècle d’esclavage, un siècle de ségrégation) est pourtant la blessure la plus brûlante, vient d’élire un président de couleur. Qui, dans le monde, peut en dire autant ? Des hauts responsables issus de minorités et qui sont nommés par le prince, que celui-ci s’appelle Bill Clinton, George W. Bush ou Nicolas Sarkozy, c’est un bon début.

RÊVE AMÉRICAIN

Mais pour montrer que les idéaux de la République ne sont pas abstraits, seul vaut le suffrage du peuple. Et de l’Assemblée nationale aux mairies, le paysage politique français, après des années d’agitation autour de la diversité, reste monocolore. En ceci, l’enthousiasme des Européens pour Obama est ambigu, tant les politiciens issus de minorités restent rares sur ce continent. “Obama, oui ; Mamadou, non”, comme le résume Vincent Geisser.

Par l’entremise d’une rédemption de son passé raciste, l’Amérique obtient un nouveau crédit, mais qui ne se limite pas à une bonne opération de communication. Tout au long du XXe siècle, modèle intérieur et leadership extérieur ont agi l’un sur l’autre. La guerre contre le nazisme a accéléré la déségrégation et la quête des droits civiques (comment condamner à Berlin ce qu’on pratique à Atlanta) ; la loi qui ouvre les vannes de l’immigration en 1965 s’explique en partie par la guerre froide (le pays leader des nations libres doit montrer l’exemple et rester ouvert).

Avec cette élection de 2008, l’Amérique démontre qu’elle possède un “savoir-faire” pour concilier l’unité et la diversité, un modèle démocratique viable de coexistence des groupes ethniques divers. Surtout, elle élit un président qui ressemble au reste de la planète, et par là même possède une légitimité renouvelée pour renouer le dialogue avec elle. Un président qui peut à nouveau guider et inspirer, parce qu’après des années de cauchemar sous George W. Bush, il incarne l’Amérique qui s’était mise aux abonnés absents pour le reste du monde : celle du rêve américain.

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