Si Barack Obama présentait le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires au Congrès pour qu’il soit ratifié au début de la nouvelle session, ce serait un excellent début. Depuis qu’il a été signé en 1996, 148 autres pays ont ratifié ce traité. Mais il ne pourra pas entrer en vigueur tant que les États-Unis ne l’auront pas également ratifié. Ensuite, le président élu américain pourra poursuivre cette démarche en interdisant les armes nucléaires proprement dites, pas seulement les essais nucléaires. Une nouvelle initiative a été lancée à Paris mardi dernier (9 décembre) sous le titre Global Zero dans le cadre de laquelle plus de cent dirigeants du monde entier se proposent de supprimer entièrement les armes nucléaires. Ne serait-ce pas quelque peu antédiluvien ? Ne savent-ils pas que la guerre froide a pris fin il y a belle lurette ? ! Mais le fait est que les armes nucléaires existent toujours. On en compte environ vingt mille. En juillet dernier, lors d’un rassemblement à Berlin, Barack Obama s’est publiquement donné le même objectif : «C’est le moment de se mettre à oeuvrer à la paix dans un monde dénucléarisé». Les «retraités» D’accord, ces cent «dirigeants du monde» sont, pour la plupart, des ex-dirigeants, et il se peut qu’ils souffrent du «syndrome des généraux à la retraite». Tout au long de leur carrière, les généraux adhèrent avec loyauté à l’orthodoxie prédominante au sujet des armes nucléaires. Et ils en sont largement récompensés. Puis, une fois à la retraite, ils voient disparaître récompenses et statut. Alors, certains d’entre eux se demandent tout haut s’ils ont vraiment cru à tout cela. Certains militants pacifistes les surnomment avec sarcasme les «généraux pour la paix» et suggèrent qu’ils auraient été plus utiles s’ils avaient vu la lumière pendant ils détenaient encore une part de pouvoir. Sur plus de cent notables ayant signé la déclaration Global Zero, la plupart ne sont pas d’anciens généraux. Mais ils sont presque tous eu une grande carrière : il y a l’ex-président des États-Unis Jimmy Carter, l’ancien leader soviétique Mikhaïl Gorbachev, l’ex-ministre britannique des Affaires étrangères Margaret Beckett, l’ancien chef de la diplomatie allemande Hans-Dietrich Genscher et l’ex-premier ministre français Michel Rocard. Sans oublier l’ancien conseiller américain en matière de sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, l’ex-ministre britannique de la Défense Malcolm Rifkind, l’ancien ministre japonais des Affaires étrangères Yoriko Kawaguchi, Ehsan Ul-Haq, ancien chef de l’état-major interarmées du Pakistan et Brajesh Mishra, l’ex-conseiller indien pour la sécurité nationale. Mais, pour une fois, les «ex» ne sont pas les seuls à faire preuve de bon sens. Global Zero est un projet différent des discours creux habituels car, cette fois, tous les dirigeants des principales puissances semblent être sur la même longueur d’onde. Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a appelé à l’élimination des armes nucléaires. Quant au premier ministre britannique, Gordon Brown, il a déclaré, au mois de mars, que le Royaume-Uni est prêt à travailler pour «un monde débarrassé de ses armes nucléaires». Le 8 décembre dernier, le président français, Nicolas Sarkozy, a également apporté son soutien à l’objectif d’un désarmement nucléaire généralisé. Deux pays réticents En juin dernier, le Premier ministre indien, Manmohan Singh, a adhéré au même objectif, affirmant que «la seule forme efficace de désarmement nucléaire et d’élimination des armes nucléaires consiste en un désarmement à l’échelle du globe.» Le Pakistan et la Chine ont fait savoir explicitement qu’ils soutiennent l’initiative Global Zero. Les seuls pays possédant des armes nucléaires qui ont gardé le silence sont la Corée du Nord et Israël. La Corée du Nord pose, en réalité, moins de problème qu’elle n’en a l’air. On pourrait probablement réussir à convaincre le pays de renoncer à ses armes nucléaires – il en possède une ou deux – en échange de solides garanties sur sa sécurité et d’une grande quantité d’aides étrangères. À plus forte raison si les États-Unis abandonnaient eux-mêmes leur arsenal nucléaire. Le problème d’Israël est plus épineux, car l’État hébreu ne reconnaît même pas qu’il possède des armes nucléaires (il en détient plusieurs centaines, en fait). Mais, pour la première fois, il pourrait se trouver confronté à des pressions de la part du seul pays capable d’influencer la politique israélienne : les États-Unis. L’un des aspects les plus frappants de la conférence Global Zero à Paris est la remarque de Richard Burt, chargé d’organiser la conférence de presse : l’arsenal nucléaire non déclaré d’Israël devrait être pris en compte. Ce qui aura suscité la consternation en Israël car, bien que M. Burt n’occupe actuellement aucune fonction officielle au sein du gouvernement américain, il était le responsable américain des négociations lors des Pourparlers sur la réduction des armes stratégiques entre les États-Unis et l’ex-Union soviétique (START). Il n’aurait probablement rien dit de tel si la politique américaine n’allait pas dans ce sens. Alors voici la vraie question : les États-Unis sont-ils véritablement prêts à abandonner leurs armes nucléaires ? C’est le premier pays à s’en être doté, et c’est à partir de là qu’il a élaboré son ambitieuse stratégie depuis 64 ans. Mais si l’Amérique était disposée à y renoncer et si les Russes étaient, eux aussi, vraiment prêts à lui emboîter le pas, cela représenterait 96 % des armes nucléaires existant dans le monde. Il ne serait pas si compliqué d’amener ensuite, par la douceur ou par les pressions, les autres puissances nucléaires du monde à en faire autant. Horizon : dix ans Il faudrait au moins une dizaine d’années pour ramener à zéro le nombre d’armes nucléaires. Il faut d’abord faire ratifier le Traité d’interdiction des essais nucléaires. Puis, au cours des discussions à venir qui visent à renouveler ou à remplacer le traité START conclu entre les États-Unis et la Russie (qui expire l’année prochaine), il faut s’accorder sur des réductions drastiques des armes nucléaires américaines et russes. Enfin, il faut faire participer le reste du monde aux négociations finales destinées à proscrire totalement les armes nucléaires. L’impression que ce projet est chimérique subsiste. Mais il faut dire que la situation n’a jamais été aussi propice qu’aujourd’hui. Si Barack Obama prend la tête de ce mouvement, ce projet a de vraies chances de se réaliser. Et même en pleine récession, il ne coûterait rien.About this publication
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