Ceux qui s’imaginaient que Barack Obama allait changer le monde et, pourquoi pas, marcher sur les eaux, sont tombés de haut. Toutes ses nominations ont été faites sous le signe de la prudence, du pragmatisme et de la maturité.
L’essentiel de la nouvelle classe dirigeante vient de l’ère Clinton… à commencer par Hillary Clinton, promue au poste prestigieux de secrétaire d’État. Cette nomination – comme du reste plusieurs autres – montre qu’Obama a assez confiance en lui-même pour s’entourer de gens forts, capables de le contredire.
Obama a aussi eu le courage de nommer Lawrence Summers à la tête du comité consultatif d’experts qui l’assisteront dans la dure traversée de la crise économique. Summers, un économiste de haute voltige doté d’une solide expérience de l’administration publique, était la personne la plus qualifiée pour ce poste, mais Obama aurait pu se laisser impressionner par les divers lobbies que Summers avait irrités dans le passé, notamment ceux qui lui reprochaient des commentaires politiquement incorrects sur l’absence relative des femmes dans les sciences pures. Nenni. Obama, encore une fois, a fait la preuve qu’il a la force morale nécessaire pour affronter des controverses, et que sa priorité n’est pas de se faire aimer (il l’est déjà assez, remarquez!) mais d’agir selon l’intérêt national.
Il est vrai que les «anciens» de Bill Clinton vont peser lourd dans son administration, et qu’il manque de sang neuf dans cette équipe. Mais le sérieux de la crise à laquelle est confronté le président élu exigeait qu’il s’entoure de gens expérimentés qui connaissent bien les rouages de l’administration et ont déjà oeuvré sur la scène nationale. Où pouvait-il les recruter, sinon dans l’ancien entourage de celui qui fut, somme toute, le mieux avisé des présidents démocrates de l’ère contemporaine? En fait, il n’avait guère le choix, puisque depuis le règne médiocre de Jimmy Carter (1977-1981), il n’y a eu qu’une seule présidence démocrate.
Il y aura tout de même des changements. Le premier document sur lequel le nouveau président apposera sa signature sera celui qui annonce la fermeture de Guantanamo, ce camp d’internement hors la loi qui faisait la honte des États-Unis.
Le processus sera cependant plus difficile à effectuer qu’à proclamer. La fermeture définitive ne pourra se faire durant les 100 premiers jours de l’administration Obama, contrairement à ce qu’il avait promis. La solution de remplacement n’est pas évidente, en effet. Les détenus devront être transférés dans des établissements en sol américain. Les procès pourront-ils se faire devant des tribunaux ordinaires? Que faire des prisonniers contre lesquels on n’a pu monter de preuve, mais qu’on ne peut renvoyer dans leur pays d’origine parce que cela mettrait leur vie en danger? (On peut présumer que l’administration d’Obama refusera d’utiliser le mécanisme odieux de «rendition», soit la déportation secrète).
En tout cas, il y a au moins l’un de ces détenus qui devrait être rendu immédiatement à son pays, et c’est le malheureux Omar Khadr, ce jeune homme de nationalité canadienne qui aurait dû dès le départ bénéficier du statut octroyé aux enfants-soldats car il n’avait que 15 ans au moment de son arrestation en Afghanistan, où l’avait emmené son père, un fidèle d’Al-Qaeda. Peut-on tenir un adolescent responsable de la folie de son père?
Qui plus est, sa responsabilité dans la mort d’un soldat américain est loin d’être avérée car des documents indiquent que la grenade aurait pu être lancée par un autre homme.
Le jeune Khadr est le seul ressortissant d’un pays occidental encore détenu à Guantánamo. C’est l’impardonnable entêtement du premier ministre Harper qui explique qu’il s’y trouve encore, six ans après son arrestation!
L’opposition parlementaire réclame son retour. De quoi M. Harper a-t-il peur? Des quelques grincements de dents que susciterait le rapatriement d’un membre de la famille Khadr? Cette famille est à vrai dire assez antipathique, certains de ses membres, à commencer par la mère, ayant multiplié les déclarations incendiaires. Mais le Canada n’est-il pas assez solide pour tolérer les hauts cris de quelques fanatiques?
Omar Khadr doit être jugé ici, et renvoyé le plus tôt possible à l’école pour qu’il puisse commencer à se bâtir une vie normale.
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