«C’est un poète», a déjà dit de lui la romancière afro-américaine Toni Morrison. Cet homme est un poète, me disais-je encore en écoutant Barack Obama livrer, droit comme un i, son discours d’investiture. Non pas un simple rêveur qui se contente d’aligner les mots avec grâce, mais un visionnaire à l’«imagination créatrice», pour reprendre les mots de Morrison.
En l’écoutant s’adresser à son peuple et au monde avec sobriété et humanisme, en voyant cette foule accrochée à ses idéaux, j’ai eu l’impression de sentir ce vent qui soufflait à Washington, décoiffant des millions de gens qui ne demandaient que ça: être décoiffés par l’espoir.
Cet homme est un poète, oui, mais de ces rares poètes politiciens, aussi idéalistes que pragmatiques. Un homme qui sait très bien d’où il vient et où il va, lui qui a réussi à se hisser à la plus haute fonction du monde dans une ville où, comme il l’a rappelé, son père n’aurait même pas pu être servi au restaurant il y a 60 ans. En ce sens, avant même d’avoir accompli quoi que ce soit comme président, Obama incarne déjà le rêve américain. Un rêve auquel il promet de rendre tout son sens.
La tâche sera colossale. Il le sait et il a tenu à ce que le monde entier le sache. Ne vous attendez pas à un miracle, semblait-il dire, en brossant dès le départ un portrait sombre de l’époque qui l’a porté au pouvoir. Une époque de crise et de guerre, d’orages et d’hiver, a-t-il insisté.
Mais ce que je retiens surtout de ce discours, ce n’est ni l’orage ni l’hiver. Ce que je retiens, c’est la main tendue vers le monde. La main tendue à tous ceux qui sont «prêts à ouvrir le poing». La main d’un homme qui, on le sent, s’est frotté à la complexité du monde et à ses inégalités. La main d’un homme à la fois noir et blanc, qui porte en lui le Kenya et le Kansas, qui a vécu dans un des pays les plus pauvres du monde et fréquenté les universités les plus prestigieuses, qui a travaillé avec les plus démunis de Chicago et côtoyé les riches et les puissants. La main d’un homme à la fois ordinaire et extraordinaire.
En misant sur l’espoir plutôt que sur la peur, en proclamant que les États-Unis n’ont pas à choisir entre la sécurité et leurs idéaux, Obama annonçait au monde entier que les années Bush étaient bel et bien terminées, qu’une page sombre de l’histoire était enfin tournée. En rappelant que la puissance de la nation américaine ne l’autorise pas pour autant à faire tout ce qui lui plaît, il a fait tomber d’un coup sec le rideau sur l’ère de l’arrogance et ainsi marqué le retour de la diplomatie.
Acclamé comme un roi, Obama n’est ni un messie ni un surhomme, quoi qu’on en dise. «La grandeur n’est jamais donnée. Elle doit être méritée», a-t-il rappelé. Il parlait ainsi des États-Unis. Mais on avait l’impression qu’il parlait aussi de lui-même, comme s’il nous promettait humblement, prudemment, d’être à la hauteur.
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