Holbrooke Fills the Gap

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http://hebdo.ahram.org.eg/arab/ahram/2009/1/28/bref0.htm

Semaine du 28 janvier au 3 février 2009, numéro 751

Egypt

Al-Ahram

auteur: Maha Al-Cherbini

Monde

Afghanistan. La nomination d’un diplomate américain expérimenté, Richard Holbrooke, comme nouvel émissaire pour ce pays ainsi que pour le Pakistan, fait renaître l’espoir en une solution diplomatique qui pourrait mettre fin à la montée des Talibans et d’Al-Qaëda.

Holbrooke monte au créneau

La nouvelle équipe Obama semble privilégier la voie de la diplomatie à celle de la force dans son approche des dossiers les plus épineux de sa politique étrangère, entre autres la lutte antiterroriste en Afghanistan et au Pakistan. La preuve : un diplomate chevronné et un ancien médiateur de paix a été nommé cette semaine pour la première fois comme envoyé spécial des Etats-Unis pour ces deux pays, foyers de tension. Cet émissaire américain n’est autre que Richard Holbrooke, dont la désignation a été annoncée cette semaine par la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton. Un choix judicieux qui souligne l’importance qu’Obama accorde à la diplomatie car M. Holbrooke n’est autre que l’architecte des célèbres accords de Dayton qui avaient mis fin à la guerre en Bosnie (1992-95). En acceptant ses nouvelles fonctions, M. Holbrooke a qualifié la politique de l’Administration Bush en Afghanistan d’« échec », reconnaissant que son chemin serait long et difficile.

En nommant pour la première fois un envoyé spécial pour l’Afghanistan, et dès le premier jour de son entrée en fonction, le nouveau président a pris ses distances avec son prédécesseur George W. Bush, en déclarant, samedi, qu’une nouvelle approche était nécessaire pour finir avec le terrorisme. « Nous devons reconnaître que la force de l’Amérique ne vient pas seulement de la puissance de nos armes ou de l’ampleur de notre richesse, mais aussi de nos valeurs », a-t-il affirmé. Lors de son discours d’investiture à Washington, Obama a donné la priorité à forger une paix durement gagnée en Afghanistan, précisant que son Administration a entamé un « examen soigneux » de la politique américaine dans ce pays. Chose promise, chose due. Obama n’a-t-il pas répété, tout au long de sa campagne, que cette zone du globe était l’une « des clés de la lutte contre le terrorisme » et a même promis d’y renforcer les troupes américaines ?

Mais une nouvelle approche ne signifie point une solution rapide du dossier compliqué du terrorisme. Réaliste, le nouveau président a reconnu cette semaine la rudesse de la tâche de son émissaire. Juste après la nomination de Holbrooke, le numéro un américain a dressé un tableau très sombre de la situation afghane, pointant du doigt le régime du président Hamid Karzaï. « La situation en Afghanistan est périlleuse et il faudra du temps pour réaliser des progrès. Le gouvernement afghan s’est montré incapable d’assurer les services les plus fondamentaux, et Al-Qaëda et les Talibans frappent à partir de bases dans des zones tribales difficiles d’accès le long de la frontière pakistanaise », a indiqué le président américain.

Une manière de rappeler la nécessité de renforcer le contingent américain en Afghanistan. Car privilégier la diplomatie ne signifie pas pourtant renoncer à la force. Déjà, quelque 20 000 marines américains pourraient être déployés en Afghanistan dans le cadre des renforts prévus pour combattre l’insurrection, déclare le général James Conway, chef des marines. Ces marines seraient probablement déployés dans le sud de l’Afghanistan où les responsables de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Isaf) estiment que les effectifs ne sont pas suffisants pour combattre l’influence croissance des Talibans dans les campagnes. 30 000 Américains seraient également envoyés en renfort en Afghanistan au cours des prochains 12 à 18 mois. Les Etats-Unis disposent actuellement de 34 000 soldats dans le pays, dont 2 200 marines.

Diplomatie et force à la fois ? La nouvelle stratégie américaine semble « ambiguë » à première vue : comment privilégier le dialogue et envoyer des troupes en même temps ? Analysant cette étrange dualité américaine qui paraît « contradictoire », le Dr Hicham Ahmad, professeur à la faculté des sciences politiques et économiques de l’Université du Caire, explique : « La politique d’Obama est bien visée. Il joue sur les deux cordes. D’une part, il tente d’encourager le dialogue entre le gouvernement Karzaï et les éléments modérés des Talibans pour affaiblir l’aile dure de la milice, c’est pourquoi il a nommé un médiateur expérimenté comme Holbrooke. D’autre part, il renforce sa présence militaire dans le pays pour frapper l’aile dure des Talibans qui sera beaucoup moins forte et plus isolée après le retrait des éléments modérés. Cette double politique remporterait ses fruits mais à long terme ».

Des questions s’imposent

A la lumière de ce sang neuf qui vient couler dans les veines de la stratégie américaine en Afghanistan, maintes questions s’imposent : Quelles sont les chances du succès de la nouvelle équipe Obama et surtout de la mission de Holbrooke dans la région ? Le succès du nouvel émissaire en Bosnie impliquerait-il forcément son succès en Afghanistan ? Selon le Dr Hicham Ahmad, la mission de Holbrooke en Afghanistan est beaucoup plus compliquée, beaucoup plus enchêvetrée, que celle en Bosnie, car les défis militaires en Afghanistan sont innombrables. « Les chances du succès en Afghanistan sont possibles, mais à long terme, à très long terme peut-être. Holbrooke doit d’abord faire connaissance avec le terrain. Engager un dialogue fructueux entre le gouvernement afghan et les Talibans est une mission qui nécessiterait beaucoup d’efforts pour aboutir à un compromis. Les Talibans demanderont sans doute de partager le pouvoir et là, les marchandages commenceront … », explique l’expert.

En effet, l’option militaire ne réussira qu’après la réussite de l’option diplomatique, car le recours à la force seule dans cette région est hasardeux, surtout qu’elle est montagneuse et périlleuse, ce qui y rendrait les combats peu efficaces. Bien plus, les Talibans pourchassés ont une alternative : fuir les combats vers l’autre côté de la frontière, où ils jouissent du soutien des tribus pachtounes au Pakistan.

Des réalités décevantes, mais dont le nouvel émissaire est bien conscient dès le départ. En acceptant ses nouvelles fonctions, Holbrooke a qualifié sa mission d’« intimidante », soulignant que les deux pays étaient engagés dans une lutte difficile contre « un ennemi sans aucun scrupule ». Il s’est engagé à donner de la cohérence aux efforts d’assistance étrangers qu’il a décrits comme « chaotiques ». M. Holbrooke a indiqué qu’il travaillerait sur le dossier afghan en concertation avec des chefs de l’armée, dont le général David Petraeus, en charge des opérations de combat dans le pays, et l’amiral Mike Mullen, chef d’état-major des armées. Compliquant de plus en plus la tâche de M. Holbrooke, les Talibans ont paru cette semaine plus défiants que jamais, revendiquant un retrait rapide des forces américaines. « Nous n’avons pas de problèmes avec Obama, mais il doit tirer les leçons de la politique de Bush et, avant cela, des Soviétiques, qui ont occupé l’Afghanistan de 1979 à 1989, quand ils ont été forcés d’évacuer face à la férocité de la résistance des moudjahidines afghans », a déclaré Yousuf Ahmadi, porte-parole des Talibans, ajoutant que la seule solution pour eux est de quitter l’Afghanistan. Malgré la présence de quelque 70 000 soldats étrangers, pour la moitié américains, l’insurrection des Talibans s’intensifie depuis deux ans et gagne du terrain, grâce au soutien d’Al-Qaëda. Samedi, quinze insurgés ont été tués samedi dans une opération de la coalition sous commandement américain, à l’est de Kaboul. L’opération visait un chef taliban, responsable d’attentats et d’attaques contre les forces internationales, dont l’embuscade au cours de laquelle 10 soldats français ont été tués en août 2008. La nouvelle formule de la guerre américaine contre le terrorisme a commencé … Il faut maintenant en attendre les résultats.

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