Edited by Christie Chu and Bridgette Blight
Fin de l’unilatéralisme?
«L’Amérique a besoin du reste du monde tout comme, je crois, le reste du monde a besoin de l’Amérique», a déclaré le vice-président Joe Biden.
«Je viens au nom d’une nouvelle administration déterminée à instaurer un ton nouveau, non seulement à Washington, mais aussi dans les relations de l’Amérique avec le reste du monde.» Le nouveau vice-président des Etats-Unis Joe Biden a présenté la vision de la diplomatie de l’administration Obama, à l’occasion de la Conférence de Munich sur la sécurité. Ce n’est pas un hasard. Cela signifie que la préoccupation première reste la question sécuritaire. Ainsi, à l’occasion de son premier discours de politique étrangère et de sécurité, le numéro deux américain a assuré que les Etats-Unis allaient «pratiquer le dialogue», «écouter» et «consulter». «L’Amérique a besoin du reste du monde tout comme, je crois, le reste du monde a besoin de l’Amérique», a-t-il affirmé aux responsables étrangers.
Après les dérives de l’unilatéralisme et les impasses causées par l’invasion de l’Irak en dehors du cadre de l’ONU et la «guerre mondiale contre le terrorisme» menée sans respect du droit international par le néoconservateur George W.Bush et les méthodes infâmes employées, Joe Biden a précisé que l’Amérique a besoin de ses partenaires car «aucun pays, aussi puissant qu’il soit, n’est mieux placé que les autres pour faire face seul» aux défis communs de notre temps. Le retour du multilatéralisme que Barack Hussein Obama avait esquissé durant sa campagne électorale et lors de son discours inaugural d’investiture, sera-t-il une réalité? Les USA peuvent-ils changer leur méthode, tactique et stratégie en matière de politique extérieure?
Signaux contradictoires
Il est raisonnable de le croire, et de tout faire pour que cela se réalise, même si les contours seront un combat diplomatique de tous les jours. Les Etats-Unis prêts à retravailler avec le reste du monde cela signifie que les pays qui ont du crédit et de l’expérience comme l’Algérie, peuvent faire passer des messages et contribuer à l’émergence d’un nouvel ordre international plus juste, et plus cohérent, fondé sur le droit et non point la force et la loi de la jungle. Sur le plan des relations internationales, les USA seront jugés sur la qualité des rapports avec: – leur rivaux d’hier et d’aujourd’hui, la Russie et la Chine, – leur alliés de toujours, les pays européens, – les pays émergents: Brésil, Inde, et enfin les pays arabo-musulmans.
Pour des observateurs méfiants, le président américain Barack Obama envoie des signaux assez contradictoires. La seule région géopolitique qu’il a citée lors de son discours d’investiture, fut le monde musulman, à qui il a offert la main tendue basée sur le respect mutuel, en prenant soin de critiquer les politiques fermées de ces pays, et son premier entretien télévisé il l’accorde à une chaîne arabe, où il est dit clairement avec conviction qu’il respecte les musulmans. En même temps, il n’a pas pris encore la décision qui vaille: convoquer une conférence internationale pour régler le problème palestinien, et sur un autre registre son porte-parole annonce qu’Obama se réserve la possibilité de recourir à la force militaire contre l’Iran: «Le président n’a pas changé son point de vue, qui consiste à garder toutes les options.»
Cependant, Barack Obama n’aborde pas, de la même manière que son prédécesseur, les défis politiques. Il prend délibérément le temps de la réflexion, tout en prenant des décisions immédiates pour des sujets d’urgence comme la crise financière. Au sujet de la relation avec la Russie, c’est du même registre, le vice-président Biden a précisé: «Les dernières années ont vu une dangereuse dérive dans les relations entre la Russie et les membres de notre alliance, a-t-il estimé. Le moment est venu d’appuyer sur le bouton de redémarrage et de réexaminer les nombreux domaines dans lesquels nous pouvons et devrions travailler ensemble».
Il a néanmoins prévenu que des désaccords lourds subsistent: «Les Etats-Unis ne reconnaîtront pas l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud comme des Etats indépendants.» Il a parlé du refus américain que quiconque dispose d’une «sphère d’influence». C’est un fait nouveau qui a pour but d’enterrer définitivement la période de la guerre froide et de maintenir la suprématie américaine. D’autant qu’il a confirmé que les Etats-Unis continueraient à développer la défense antimissile, un des motifs de tensions entre Washington et Moscou. L’évolution américaine est-elle uniquement liée à la conjoncture et aux qualités personnelles d’Obama?
L’élection d’Obama, et ses atouts pour consolider la prééminence mondiale des USA, ont relancé l’interrogation sur le retard du monde, comparativement aux USA, en particulier en matière de recherche scientifique et de doctrine en matière de politique étrangère. Obama élu président dans cette Amérique qu’on nous décrivait comme égoïste, fermée et hégémonique, est en train de la réhabiliter avec intelligence et de réintroduire une dose mesurée de multilatéralisme, tout en lui préservant le rôle de première superpuissance. Les peuples épris de démocratie ne peuvent que souscrire à un nouvel ordre du débat.
Les «leçons américaines» que veulent tirer certains médias occidentaux ne sont pas nécessairement celles qu’on croit, et le vrai enjeu se situe, pour l’essentiel, ailleurs que dans le seul sentiment antiraciste des Américains. Le peuple américain a exprimé une ambition de changer le monde sur la base de la justice et du mérite. Sans naïveté, compte tenu du cynisme des politiciens, de la complexité du système et ses aspects obscurs, c’est une révolution, un message fort, que l’on doit entendre et saisir comme chance, pour redéployer la politique extérieure des pays arabes comme contribution au règlement des causes justes.
Tourner la page Bush
Aujourd’hui, le président des USA est un homme soucieux d’équilibre et de démocratie. Avant d’être afro-américain, Barack Obama est une personnalité intellectuelle et politique hors du commun, qui rassemble des qualités d’intelligence et de confiance, mais aussi de charisme et de détermination que l’éprouvante campagne électorale, d’une année entière, a prouvés. Une telle synthèse de qualités se retrouve chez quelques rares hommes à chaque génération: aux USA tout le monde se souvient encore de Kennedy. Barack Hussein Obama est une personnalité consciente du besoin de changement, son mot d’ordre clé exceptionnel «change», a démontré qu’il était en phase avec le peuple et allait tourner la page des huit années catastrophiques de la présidence Bush. Certes, tout candidat démocrate partait grand favori, mais seul celui qui offrait le changement comme Obama pouvait triompher.
Barack Hussein Obama a gagné non pas en s’appuyant sur les seules forces accumulées par les Africains-Américains depuis quarante ans, ou en mettant l’accent sur les seules préoccupations internes des Américains, mais en rassemblant les Américains, en évitant de devenir un candidat communautaire et protectionniste. Il a refusé de «ghettoïser» et les minorités et les USA. Sa politique extérieure a pour but, en quelque sorte, d’universaliser son sens du dialogue et sa vision égalitaire des relations entre les individus et les peuples, avec comme phare et modèle, les USA. Certes, Obama n’a pas cherché à faire oublier qu’il était Noir, et de père musulman, mais il s’est présenté avant tout comme Américain démocrate.
Si Obama a été élu dans l’Amérique et le monde de 2008, c’est d’une part aussi en raison de l’évolution rapide et profonde, ces dernières décennies, en matière de développement, des nouvelles technologies de la communication, qu’il a pleinement utilisées, et d’autre part, de par la prise de conscience partout dans le monde, que le chaos domine plus que l’ordre. Le monde ne pouvait pas continuer à supporter l’unilatéralisme aveugle et la crise multiforme. Cette évolution mentale et scientifique, les Arabes doivent l’intégrer et se démocratiser, en sachant que l’essentiel est de renforcer l’Etat de droit. Sans un Etat fort et un sens profond du patriotisme, alliés à une participation des citoyens à leur devenir, point d’avenir. C’est à ces conditions que le monde arabo-musulman pourra émerger comme région crédible et prospère, dans 20 ans – et non dans 100 ans- et que le citoyen du Sud pourra participer à un nouvel ordre international juste.
Dans l’attente, les forces conservatrices et rétrogrades aux USA, dans le monde entier et dans le monde arabe, restent aux aguets pour tenter d’empêcher un vrai changement. Il appartient à tous et à chacun de s’investir, de participer à la vie politique et intellectuelle, aux projets et événements politiques de leur pays. La démission, ou l’attentisme sont voués à l’échec. Les nouvelles générations ont encore confiance en leurs aînés, malgré les critiques. «Vouloir c’est pouvoir».
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