Financial Realpolitik

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L’aventurisme d’UBS aux Etats-Unis risque de se payer au prix fort par tout le secteur de la gestion de fortune suisse

L’aventurisme d’UBS aux Etats-Unis risque de se payer au prix fort par tout le secteur de la gestion de fortune suisse. En témoigne le net repli boursier des banques privées comme Julius Baer et Sarasin, à l’unisson d’UBS. Ayant pris la plus grande banque suisse dans ses filets, Washington a exigé la rançon maximale: le secret bancaire. Ce faisant, c’est tout le modèle de la gestion d’avoirs transfrontaliers qui s’affaiblit, mettant en péril une bonne partie des 1100 milliards de francs gérés en Suisse pour les clients privés étrangers. Car le précédent américain risque de contaminer le marché principal de la Suisse, celui des grandes fortunes d’Europe. Selon la Bundesbank, la Suisse gère 28% des 750 milliards de francs d’avoirs allemands non déclarés. Tout l’enjeu est là, les clients américains restant en réalité très marginaux pour les places de Genève, Zurich et Lugano.

Or les Européens non déclarés, qu’ils soient Allemands, Français ou Italiens, doivent s’interroger: jusqu’à quand leurs comptes suisses dormiront-ils en paix? Désormais, ils sont conscients qu’un gouvernement hostile, comme Washington avec UBS et Berlin avec Vaduz, peut faire cracher à la plus puissante des banques le nom des tricheurs, secret bancaire ou non. Jamais les Etats n’ont été aussi forts face aux banques, eux qui ont déboursé, de part et d’autre de l’Atlantique, plus de 7000 milliards de dollars pour les tirer de la crise financière, et qui ont maintenant cruellement besoin des milliards évadés du fisc.

Les banques privées suisses doivent aujourd’hui réfléchir à l’avenir. Dans le cas d’UBS, on estime à 150 milliards de francs sa base d’avoirs non déclarés.

Mais, avant que Berne ne criminalise l’évasion fiscale, il lui faudra relever la tête et parler d’égal à égal avec les autres centres qui contrôlent le marché de l’argent gris: Londres (16% du marché) et, surtout, les Etats-Unis et Caraïbes (26%), qui talonnent la Suisse (31%). Ces rivaux directs s’avèrent, curieusement, les plus agressifs vis-à-vis de l’Etat alpin. Berne doit savoir entrer dans l’ère de la realpolitik financière.

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