L’inefficacité des sauvetages d’institutions financières incite certains conservateurs à plaider pour leur liquidation ordonnée.
De notre correspondant à Washington
Le débat fait rage à Washington sur la nécessité de nationaliser certaines banques. Cette approche est désormais défendue par des conservateurs. Parmi eux, Alan Greenspan et les sénateurs républicains John McCain et Richard Shelby. Leurs arguments rejoignent ceux d’experts d’ordinaire opposés à leurs vues, comme le démocrate Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Tous sont déçus par la tournure actuelle des événements.
Voilà un mois que l’on attend les détails du plan du Trésor américain pour inciter des investisseurs privés à acheter en partenariat avec l’État les actifs toxiques qui plombent les bilans de dizaines de banques. Entre-temps les « sauvetages » publics d’institutions au cas par cas sont de plus en plus ruineux, sans pour autant résoudre le problème. Le cas de l’assureur AIG, chaque jour plus gourmand en fonds publics, provoque une vive polémique. La fuite en avant ne peut donc durer éternellement. Le moment viendra où la garantie à 100 % de l’État fédéral sur les engagements de ses plus grandes banques malades ne sera plus politiquement tolérée.
Dans l’esprit du sénateur Shelby, la nationalisation d’une institution comme Citigroup devrait être le prélude à sa liquidation ordonnée et méritée. « Fermez ces banques. Faites-les disparaître. Si elles sont mortes, il faut les enterrer », affirme-t-il. Citigroup est vue comme le premier candidat à ce traitement radical. Le géant new-yorkais a été « sauvé » trois fois par des injections de fonds propres d’un total de 45 milliards de dollars et des garanties contre la dévalorisation de 301 milliards de dollars d’actifs. Or bien rares sont ceux qui croient que « Citi » a été définitivement sauvée.
Vikram Pandit rassure
Son patron Vikram Pandit a voulu rassurer hier en soulignant que la banque, loin d’être au bord de la faillite, génère des profits depuis le début de l’année, que le montant de ses dépôts est « relativement stable » et qu’elle dispose, selon lui, de fonds propres suffisants. Le cours de « Citi » en a regagné plus de 20 % en séance… à environ 1,3 dollar. Pour autant, après cinq trimestres de pertes d’un montant total de 37,5 milliards de dollars, Citigroup a beaucoup à faire pour regagner la confiance de ses actionnaires qui ont perdu 80 % de leur capital depuis un an. D’autant que la détérioration de la conjoncture augure toujours de nouvelles pertes de milliards de dollars dans les prochains mois.
Pour « Citi » et d’autres, Richard Shelby propose d’abandonner l’approche de « la nationalisation rampante » pour traiter de la même façon qu’une petite banque des établissements jugés jusqu’à présent « trop grands pour qu’on les laisse tomber en faillite ». Ces fameux too big to fail sous perfusion seraient saisis par le Fonds fédéral de garantie des dépôts bancaires (FDIC), puis liquidés et revendus à des rivaux suffisamment sains. Le FDIC, alimenté par des primes payées par l’ensemble des banques, procède régulièrement ainsi avec des établissements dont la survie ne représente pas un enjeu systémique.
Aux yeux du Trésor et de la Réserve fédérale, cette méthode est difficile à appliquer à une grande banque présente dans des dizaines de pays. Liquider Citigroup serait très compliqué, très long, très coûteux et surtout très dangereux. Si « Citi » était saisie, les investisseurs parieraient immédiatement sur la saisie d’autres grandes banques atteintes du même mal. Ces dernières n’auraient plus aucune chance de lever des capitaux privés. Les autorités auraient alors déclenché un effet domino, rendant inéluctable une série de nationalisations de nature à plonger durablement une grande part du système financier américain sous la tutelle de l’État. Or « l’État ne sait pas gérer des banques. Nous ne voulons pas contrôler le système bancaire », répètent en chœur la Maison-Blanche et les leaders démocrates.
Tout le monde s’accorde sur ce point : la nationalisation n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit pas du tout de maintenir en vie une banque au nom de la préservation de l’emploi par exemple. Ce ne peut-être qu’une solution temporaire à une situation exceptionnelle qui empêche une banque de lever des fonds propres auprès d’investisseurs privés. Le mot même de « nationalisation » reste tabou. L’opinion associe en effet ce terme au basculement de l’Amérique dans le « socialisme », système antiaméricain par définition.
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