Obama's Vietnam

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(Québec) Surprenante guerre que celle d’Afghanistan qui engage des moyens matériels et humains de plus en plus exigeants alors même que l’on renonce à la victoire.

Ce n’est pas sans rappeler le bourbier vietnamien dans lequel se sont enlisés les États-Unis de 1963 à 1975.

Dans les deux cas, le problème est en partie dans l’imprécision des buts de guerre proclamés et la nature de la victoire qu’ils exigent.

On devrait voir plus clair d’ici le 31 mars. Le président américain Barack Obama doit en effet préciser ses vues d’ici la grande conférence des Nations unies sur la guerre en Afghanistan, à La Haye, et le sommet de l’OTAN, peu après.

Pour l’instant, le but de guerre des États-Unis est celui évoqué par Obama lors de son voyage au Canada : protéger son pays d’une attaque terroriste en provenance du territoire afghan. Il est allé plus loin il y a quelques jours, dans une entrevue au New York Times, quand il a admis que la guerre en Afghanistan ne pouvait être «gagnée» et qu’il faudra bien transiger avec des «talibans modérés».

On revient 10 ans en arrière d’une certaine manière quand, bien avant le 11 septembre 2001, l’on se demandait si les talibans faisaient partie du problème afghan ou de sa solution.

Après ce 11 septembre, c’est l’ex-secrétaire d’État Colin Powell qui a formulé le but de guerre américain. «La guerre au terrorisme prendra fin, disait le chef de la diplomatie américaine, quand les États-Unis se sentiront en sécurité.»

C’est à peine plus imprécis que le but de guerre proclamé d’Obama. Mais à l’époque de Powell, il n’y avait pas de place pour les «talibans modérés». La mode était alors à la politique du «changement de régime» dans ce Grand Moyen-Orient qu’il fallait démocratiser, d’abord en Irak.

La recherche de ces «talibans modérés» risque ainsi de se révéler aussi tumultueuse que la politique dite de «changement de régime». Le débat d’experts aux États-Unis sur les «talibans modérés» est en effet d’une complexité inouïe. Dans les deux cas, il y a place pour les dérapages.

Les buts de guerre sont par nature difficiles à définir et à mettre en ordre, de même que la stratégie qui en découle. Au Viêtnam, les historiens en ont identifié au moins 22.

La guerre en Afghanistan est appelée à s’amplifier et à changer de nature dans les prochains mois. C’est d’ailleurs déjà le cas.

D’une certaine manière, Barack Obama est dans une posture comparable à celle de Lyndon B. Johnson, en 1965, quand ce dernier a mis en marche la première grande escalade de la guerre au Viêtnam, en tout cas en ce qui concerne l’ampleur du contingent concerné. Johnson avait pourtant été réélu l’année précédente sur la promesse d’une limitation de la guerre, voire d’un désengagement de son pays. Il misait en partie sur la croyance illusoire et éphémère en des communistes sud-vietnamiens modérés qu’il s’agissait de dissocier de leurs grands frères nord-vietnamiens, lesquels ont fini par prendre toute la place. Le débat sur l’identité et la nature de l’ennemi était tout aussi âpre et complexe que celui d’aujourd’hui sur les talibans.

Son rival républicain, Barry Goldwater, lui, plaidait pratiquement pour une guerre à finir, c’est-à-dire à gagner, contre des communistes vietnamiens se prêtant difficilement à une distinction entre durs et modérés. D’une certaine manière ce débat de 1964 ressemblait à celui de l’automne dernier entre Obama et John McCain.

Obama a fait du front afghan le «front central» de la guerre contre le terrorisme. C’est en soi une escalade. Mais il cherche plus à diviser l’enne­mi qu’à le vaincre, pour limiter l’engagement de son pays, voire le désengager. Ce qui plaide contre l’escalade.

Toute la question est de savoir si ce sont des messages ou des signaux complémentaires ou contradictoires.

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